En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
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Le puerh est un thé produit depuis plusieurs siècles dans les montagnes du Triangle d’or. La nature de ce thé ainsi que les différentes étapes qui régissent sa production ont par contre beaucoup changé au fil des siècles.
Les peuples autochtones du Yunnan (à qui on doit les jardins anciens qui font de nos jours la réputation de cette région) produisent en effet depuis des temps très reculés une sorte de thé vert, rustique et séché au soleil, tel qu’on en trouve dans tout le Triangle d’or et qui s’apparente à ce qu’on appelle aujourd’hui puerh brut, puerh vert, ou sheng puerh en chinois. C’est ce thé que découvrirent les Han (l’ethnie majoritaire chinoise) lorsqu’ils prirent le contrôle du Yunnan au 18e siècle.
À cette époque, les producteurs chinois passaient commande aux autochtones, qui géraient l’entretient des arbres dans la forêt, leur cueillette et une première transformation des feuilles. Or ce thé, qui était consommé tel quel par les locaux, n’était pas au goût des Chinois, qui n’y voyaient qu’une matière première, un « maocha » (littéralement thés inachevés) avec laquelle ils pourraient confectionner un thé abouti, qu’on finira par appeler puerh. Les méthodes de production de ces galettes de thé antiques, produites à Yi Wu dès le 18e siècle, restent encore aujourd’hui mystérieuses, mais comportaient très certainement un tri des feuilles, un assemblage, ainsi que des phases de maturation ou de fermentation contrôlées.
Lorsque les premières fabriques modernes du Yunnan voient le jour dans les années 1940, puis que le puerh devient une industrie d’État, un schéma similaire est conservé : des coopératives sont installées dans les villages pour produire le maocha, qui sera ensuite envoyé aux usines, dans lesquelles ces feuilles de thé brut seront séparées par grade et par origine, fermentées dans le cas du shu cha, puis assemblées selon des recettes précises avant d’être pressées. Ce modèle sera conservé après l’ouverture du marché à la fin des années 1990 : les fabriques de puerh achètent alors aux paysans un matériau brut (maocha), qui sera ensuite trié, parfois affiné, puis assemblé et pressé en galette.
On retrouve une logique similaire dans d’autres familles de thé, comme les wulong de Wu Yi shan, où le maocha devra être torréfié avant d’être considéré comme un thé achevé et être vendu, mais aussi dans d’autres pays. Au Japon par exemple, les paysans produisent ce qu’on appelle du « aracha », un thé inachevé qui n’est jamais vendu au grand public, mais sera acheté sur les marchés de gros, pour être terminé en usine, puis conditionné.
Avec le grand phénomène qui s’est développé autour du thé puerh depuis la fin des années 2000, une mode est apparue pour un « thé d’origine », le moins transformé ou élaboré possible. Des maisons de thé de toute la Chine et d’ailleurs se ruent désormais chaque printemps dans une poignée de villages reconnus, pour acheter les feuilles directement aux paysans. Elles envoient ensuite ce maocha sans autre travail à une usine quelconque qui assurera leur compression et leur emballage. Ainsi la séparation entre le maocha, censé être inachevé, et le puerh brut commercialisé au grand public devient aujourd’hui de plus en plus fine, et bien souvent ne se résume plus qu’à la simple forme compressée de la galette de thé !
Certains regretterons, à juste titre, un appauvrissement du produit et un manque d’élaboration dans cette approche à la mode qui consiste à se contenter de presser en galette un maocha tout juste produit par le paysan. D’autres apprécieront au contraire la dimension « authentique » d’un tel produit, certes moins équilibré mais aussi moins transformé et au caractère plus marqué.
Toujours est-il que, en minimisant la transformation et le travail de l’homme, on obtient un thé plus proche de la terre et dans lequel la marque du terroir (c’est-à-dire le caractère spécifique produit par les théiers d’un lieu donné) est plus prononcé. Il n’est donc pas étonnant que cette tendance vers des produits peu transformés, s’accompagne d’une mise en avant de la notion d’origine. Actuellement, beaucoup d’amateurs recherchent avant tout un thé qui proviendrait de tel ou tel village renommé et qui en porterait le « goût », plus qu’un thé d’excellence qui aurait été transformé par une fabrique ou un artisan reconnu.
Parmi ces régions connues et recherchées pour leur caractère, il y a notamment Bulang Shan, que nous avions déjà exploré rapidement ensemble en août 2017 (Huo Ka et Banzhang). Situés dans la région de Menghai, à l’Ouest du Xishuangbanna, les monts Bulang (Bulang Shan en chinois), sont sans doute le premier « terroir » à émerger depuis l’ouverture du marché du puerh. Porté par le village devenu ultra-connu de Lao Banzhang, les thés de cette zone montagneuse sont particulièrement appréciés pour leur caractère typique : des thés charpentés et puissants, aux arômes sobres dans lesquels on retrouve des notes animales caractéristiques. Un certain nombre de villages de Bulang Shan sont ainsi devenus très connus, tels que Banzhang, Ban Pen, ou encore Lao Man E, et le prix de leurs feuilles atteint désormais des sommets.
Or le caractère de ces terroirs, principalement déterminé par les conditions naturelles et aussi (voir surtout) par les variétés locales qui y poussent, ne se limite pas à ces quelques villages reconnus, et se retrouve dans de nombreux jardins de la montagne. Parfois de très bonne qualité, les feuilles de ces jardins, rattachés à des villages moins médiatisés, se vendent naturellement bien meilleur marché. C’est ce qu’Olivier a entrepris d’explorer en profondeur durant ce dernier printemps. Pendant deux semaines, il a parcouru les recoins méconnus de Bulang Shan à la recherche de villages oubliés mais dont les thés posséderaient le caractère typique et recherché de ce terroir. Venant d’arbres de taille moyenne, et non de très vieux arbres, ces thés n’ont pas la richesse des grands crus de Banzhang, mais ils partagent un aspect commun et permettent d’apprécier ce terroir à moindre coût. Le thé que nous vous proposons ce mois-ci vient d’un jardin naturel, dont les arbres sont entretenus à l’ancienne, et situé à seulement 15 km des arbres les plus réputés de Lao Banzhang !
Les maocha n’étant pas compressés, leurs feuilles sont très volumineuses. Préférez donc l’usage d’un gaiwan, les petites théières étant peu adaptées à de telles feuilles. De même, n’hésitez pas à remplir le gaiwan jusqu’à ce qu’il déborde, les feuilles réduiront au contact de l’eau vous permettant de refermer le gaiwan.
Comme la majorité des jeunes puerh bruts, utilisez une eau parfaitement bouillante et commencez par des infusions courtes, d’environ 5 secondes, puis adaptez les durées au fur et à mesure et en fonction de vos goûts personnels.
Les thés de Bulang Shan étant particulièrement changeants sur les trois premières infusions, nous vous conseillons de ne pas rincer le thé, pour apprécier ces différentes infusions et leur évolution.
La première infusion vous surprendra ainsi par sa douceur, qui contraste avec la légendaire puissance des thés de Bulang Shan. On y retrouve pourtant déjà ce qui fait le caractère de ce terroir, une liqueur laiteuse, des arômes sobres, un végétal principalement porté sur le légume, l’asperge, et non la fleur ou le miel qu’on retrouve souvent dans d’autres régions, et de légères notes animales sur la finale.
Fidèle aux puerh de la région, c’est un thé qui mettra quelques infusions à s’installer et à véritablement s’exprimer, notamment dans la gorge. Tout en gardant la même sobriété aromatique, ce thé développera alors de belles sensations, des fourmillements sur la langue et le palais, et une présence chaude dans la gorge de laquelle une toute autre richesse aromatique semble s’échapper et teinter la respiration, rendant les « entre-tasses » particulièrement appréciables.
Il s’agit d’un puerh contemporain, qui n’a pas été spécifiquement produit pour la garde. Sa transformation, dans le style de ce qui se faisait dans les années 2000, laisse cependant la place à une post-fermentation bénéfique, accentué par les tanins généreux que ce thé possède. C’est donc un thé plutôt pensé pour une consommation dans les premières années qui suivent sa production, mais qui a des chances d’évoluer positivement sur au moins une dizaine d’années (ce qui reste peu pour un thé de garde).
Comme tous les puerh, il est préférable, pour favoriser la maturation du thé, de le conserver dans un récipient légèrement aéré (poche en papier ou en carton, boite non hermétiquement fermée ou régulièrement aérée, etc).