En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Nous finirons cette petite déambulation autour des puerh sombres par une brique fermentée d’un type qu’on ne produit guère plus aujourd’hui, mais qui est très intéressante et nous renvoie dans le passé de cette famille de thé.
On raconte souvent que le thé puerh fut dans le temps un thé impérial, produit dans six grandes montagnes du Yunnan et apprécié par l’Empereur et la cours dans la Citée interdite. On relate aussi que ce même thé puerh, produit par de grandes familles chinoises dans le vieux village de Yi Wu, était envoyé au Tibet, à dos de cheval sur une mythique route enneigée traversant les contreforts de l’Himalaya. Certains rajoutent que c’est lors du transport sur cette route, où durant de longs mois le thé étant baigné dans l’humidité, qu’aurait été découvert la fermentation du puerh.
Cette légende s’est en réalité répandue dans les années 2000, en plein boum du puerh, afin d’offrir à cette famille de thé (auquel personne ne daignait s’intéresser jusque-là), une histoire, des images fortes, une touche de noblesse et surtout du rêve, et de promouvoir ainsi les jeunes puerh produits dans le Yunnan. Mais derrière les différentes scènes de ces histoires, il y a en réalité des thés bien distincts, provenant de régions, d’arbres et de savoirs-faire différents, et consommés par des populations elles aussi bien différentes.
Il y a bien eu dans le passé un thé du Yunnan, compressé en forme de très grosse citrouille, qui ait passé les portes de la Citée interdite, mais celui-ci n’avait pas grand-chose à voir avec ce qui était envoyé au Tibet, ou même avec ce qui était consommé dans le Yunnan. Strictement interdit à la vente, il s’agissait d’un thé produit spécialement pour l’occasion à Yibang, selon des méthodes particulières réservées aux thés impériaux, à partir de jeunes pousses provenant de variétés à petites feuilles, ce qui contraste avec les théiers à grandes feuilles que l’on trouve généralement dans le Yunnan et qui servent à la production de thé puerh.
Les premières galettes de puerh chinois furent pressées dans le village de Yi Wu à partir de la fin du 18ème siècle, par une poignée de familles venues de Xiping, et poseront l’archétype du puerh moderne. Contrairement aux thés impériaux, ces galettes ne sont pas faites de bourgeons mais de feuilles bien développées et cueillies sur des variétés locales à grandes feuilles. S’il est possible d’en faire le commerce, il s’agit tout de même de produits fins, consommés par une clientèle aisée. Tandis que les paysans et les populations autochtones consommaient un puerh vert grossier et en vrac, ces galettes seront principalement vendues dans d’autres régions de Chine, ou aux communautés chinoises de Singapour, de Malaisie, ou encore à Hong Kong où elles deviendront particulièrement célèbres dès le début du 20ième siècle. Ce sont notamment ces thés qui ont inspiré des galettes comme la commande spéciale Taïwanaise que nous vous avons proposée en avril.
Quant au thé consommé au Tibet, il était d’une toute autre nature ! Bien qu’un certain nombre de puerh haut-de-gamme, compressés en tuo cha ou en jin cha (comme le thé que nous vous proposions en juin) aient bien été produits pour le Tibet (où ils étaient notamment prisés par les moines et la caste aisée), le gros du thé charrié sur cette fameuse route du Tibet était en réalité composé de briques de thé, fermentées et bon marché, destinées à être bu mélangées avec du beur de Yak.
Alors que le Yunnan s’est récemment accaparé l’image de cette route, et qu’un certain nombre de thés de la région y aient bien transité, l’essentiel des thés consommés au Tibet venaient en réalité du Sichuan, province voisine du Yunnan. Qu’ils viennent de l’une ou de l’autre région, il s’agissait de thés très rustiques, produits à partir de grosses feuilles matures et de branches. Ils étaient bien fermentés, non pas durant leur transport comme le raconte la légende, mais lors de leur production et avant d’être pressés en brique. Des écrits d’un missionnaire français datant de 1872 décrivent ainsi en détail la production de ce thé, dont les méthodes de fermentation font étrangement penser à ce qui sera « inventé » dans les usines d’État 100 ans plus tard, et que nous vous avons présenté les mois derniers !
Plus typique du Sichuan, ce type de thé sombre populaire en brique fut aussi largement produit dans le Yunnan, et sa production fut reprise par les fabriques d’État. Parfois exporté au Tibet, il partait surtout en Birmanie, en Thaïlande, au Vietnam, et bien sûr à Hong-Kong où il était servi pour accompagner les Dim Sum dans les maisons de thé populaires. C’est pourquoi ces thés étaient généralement appelés « Bian Xiao Cha », c’est-à-dire des thés faits pour le commerce avec les pays frontaliers.
Progressivement tombé en désuétude avec l’apparition du puerh fermenté industriel, quelques producteurs ont continué jusque dans les années 2000 à produire des thés dans cette lignée, en particulier pour le marché Hong-Kongais. C’est le cas notamment de la fabrique de Yiliang dont les briques semi-fermentées, souvent contrefaites, sont très bonnes et oscillent entre shu cha et sheng affinés. Quelle que soit la fabrique qui les a produites, elles sont souvent emballées d’un papier kraft ou beige, imprimé du même visuel, qui n’a cessé d’être repris et copié : en guise de titre « Yuannian Huigan », littéralement « arrière goût du passé », (probablement en référence à la légère fermentation du thé qui lui permet dès sa production d’évoquer un vieux puerh). Au dos, deux lignes de poésie et surtout une image d’Épinal des montagnes du Yunnan au premier plan de laquelle on aperçoit une caravane de chevaux.
Ces Bian Xiao Cha sont généralement assez légers, moins fermentés, moins riches mais plus subtils que les shu cha modernes. Certains, notamment produits pour le Tibet, peuvent développer des notes herbeuses ou citronnées, mais ils s’expriment plus souvent dans un univers boisé. Beaucoup de ces briques de puerh sont aussi passées par Hong-Kong, où elles ont été affinées une seconde fois, pour leur rajouter du moelleux, de la complexité, et la touche typique de l’affinage Hong-Kongais.
C’est le cas du thé que nous vous proposons ce mois-ci, produit et fermenté dans le Yunnan il y a une vingtaine d’années, puis affiné et stocké à Hong-Kong jusqu’à aujourd’hui.
Les feuilles, brun clair, sont larges et aplaties, et forment des couches. Devenues particulièrement légères et friables, elles partent souvent en morceau lorsqu’on les sépare de la brique. Elles peuvent être infusées en gaiwan ou dans une petite théière, mais leur taille rend l’usage du gaiwan plus pratique. Il est aussi possible d’infuser ce thé dans une grande théière, en y mettant une plus grosse quantité de feuilles, et en allongeant les infusions à plusieurs minutes.
Ce thé étant assez léger, et les feuilles assez volumineuses, n’hésitez pas à remplir le gaiwan plus qu’à votre habitude, jusqu’à environ la moitié de son volume. Vous pouvez si vous désirez rincer les feuilles quelques secondes à l’eau bouillante avant de commencer les infusions à proprement parler. Ce type de thé s’infuse plus longuement qu’un shu cha ordinaire, et vous pouvez commencer par une succession d’infusions d’une minute. Vous y trouverez une liqueur assez fluide, loin de l’aspect laiteux d’un shu cha contemporain infusé aussi longtemps, et un mélange d’essences boisées, dans lesquelles se côtoient des bois chauds, et des notes plus fraîches qui rappellent le camphrier sauvage. Les arômes sont simples, sobres et évoquent aisément le passé, le bois patiné, un vieux grenier ou le boisé de certains whisky.
Bien qu’il n’ait été que légèrement fermenté (ce qui généralement a tendance à laisser de la place à la maturation), ce type de thé ne possède pas un très bon potentiel d’évolution dans le temps. Les feuilles employées ne proposent en effet pas assez de force et de matière à fermenter, et ont en quelque sorte déjà tout donné lors de leur fermentation initiale. C’est pourquoi, malgré ses 20 ans, il n’a pas le caractère qu’on pourrait attendre d’un 20 ans d’âge. Le conserver 20 ans de plus ne le dégradera pas, lui apportera probablement un sentiment de maturité, mais ne le métamorphosera pas pour autant.
Comme tous les puerh, il est préférable, pour favoriser la maturation du thé, de le conserver dans un récipient légèrement ou occasionnellement aéré (poche en papier ou en carton, boite entre-ouverte ou ouverte de temps en temps, etc).