En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Le thé sombre est une des plus vieilles et mystérieuses familles de thé originaire de Chine. Comme son nom le suggère, elle concerne un certain nombre de thés dont les feuilles sont particulièrement sombres. Leur infusion produit une liqueur qui pourra, selon les cas, aller d’un rouge vif et éclatant à un noir profond et opaque.
Cette coloration vient de l’association d’une oxydation des feuilles de thé (comme dans ce que nous appelons un thé noir en français, et que les Chinois appellent thé rouge), et d’une fermentation provoquée par l’action de micro-organismes vivants présents à leur surface.
L’habitude de fermenter ainsi les feuilles de thé remonte probablement à la dynastie Ming (XIVe – XVIIe) et peut être avant, mais les thés sombres ne deviennent véritablement populaires qu’à partir de la dynastie Qing (XVIIe – XXe), où ils sont produits dans de nombreuses régions du sud de la Chine. Chaque région possède alors sa propre manière de fermenter les feuilles, donnant naissance à une grande variété de thés sombres. Au Sichuan par exemple, où on produisait un thé populaire pour l’export vers le Tibet, les feuilles étaient entreposées quelques jours dans de grands trous creusés dans le sol, et sur lesquelles on versait de l’eau pour favoriser la fermentation. Dans le Guangxi, où est produit le Liu Bao Cha, un thé sombre populaire au début du XXe, différentes méthodes de fermentation en pile des feuilles impliquant de la vapeur virent le jour et furent perfectionnées, tandis que dans la région de An Hui est produit un thé sombre particulièrement fin : le Liu An.
Lorsque les Chinois annexent le Yunnan au XVIIIe, ils y découvrent le thé produit par les populations autochtones, qui s’apparentait à un puerh vert grossier, et pensent naturellement à fermenter ces feuilles afin d’en faire un thé sombre chinois. C’est ainsi que le puerh vert, tel qu’il est produit dans tout le Triangle d’Or, deviendra dans le Yunnan un thé sombre. Après avoir été fermentés et compressés dans le Yunnan, ces thés seront exportés au Tibet, à Hong-Kong ou encore en Asie du Sud-Est où ils connaîtront un grand succès. Chaque famille de producteur, dont les plus connues sont basées à Yi Wu, possèdent alors leurs propres méthodes de production et d’assombrissement des feuilles, et sont reconnues pour l’unicité de leurs thés.
L’île de Hong-Kong, où le thé ne pousse pas mais qui est un grand consommateur de thé sombre, se mettra aussi progressivement à la production de ce type de thé, en faisant fermenter à sa manière des puerh verts, importés de Chine, du Vietnam ou encore de Thaïlande. Ce fut notamment le cas lorsque la situation politique ne permettait plus l’import des thés sombres chinois, obligeant les Hong-Kongais à se rabattre sur des thés non fermentés produits dans les pays voisins, puis à les fermenter eux-mêmes. Il s’agit des fameux affinages hongkongais, dont nous vous avons présenté différents exemples dans le passé.
Avec le temps, les moyens de productions des différents thés sombres se modernisent et se standardisent. Le puerh sombre Chinois (shu cha) devient à partir des années 1970 un procédé industriel à grande échelle, et la production artisanale de puerh fermenté disparaît dans le Yunnan.
Le thé que nous vous proposons ce mois-ci, particulièrement rare, nous renvoit dans l’univers passionnant et méconnu des puerh sombres artisanaux tels qu’ils étaient produits avant l’invention du shu cha industriel dans les années 1970. L’homme qui l’a produit est né dans le Yunnan dans les années 1930, durant l’ère des grands producteurs privés chinois. En 1956, il désertera l’armée pour s’enfuir au Laos où il vivra dans l’illégalité jusqu’en 1975 avant de passer la frontière Thaïlandaise et de s’installer dans les montagnes de Chiang Rai. C’est là qu’il se formera aux vieilles méthodes de production du puerh par Hong Tai Chang, un célèbre producteur de puerh Thai venu du Yunnan dans les années 1930 (voir puerh du mois d’octobre 2016), puis qu’il se lancera dans la production de puerh. Depuis les années 1990, et le phénomène autour des vieux puerh, l’intégralité de ses productions partent à Hong-Kong. À la demande des clients Hong-Kongais, elles sont pressées en Thaïlande et emballées comme de vieux thés chinois, avant d’être affinées puis expédiées à Hong-Kong où elles seront vendues comme tels. Aujourd’hui âgé de plus de 80 ans,il continue à produire des thés sombres d’un autre temps dans un petit atelier discret de Chiang Rai.
Les feuilles que nous vous proposons ce mois-ci ont été cueillies dans les années 1990 dans un petit village Lahu au Nord de la région de Chiang Rai, non loin de la frontière Birmane. Elles ont tout d’abord été transformées au village à la manière dont les puerh étaient produits avant l’ère industrielle. Le thé a ensuite été affiné une première fois en pile, selon de vieilles méthodes et un savoir faire spécifique à ce petit producteur, puis compressé et affiné une seconde fois sur place. Le thé qui en ressort est très intéressant. Il associe l’univers boisé et post-fermenté d’un thé sombre, avec un caractère frais typique d’un puerh vert, renvoit aux thés post-fermentés sans pour autant porter la marque d’un shu cha chinois ou d’un affinage hongkongais. Un thé qui nous rappelle ainsi un temps révolu où, dans le Yunnan et ailleurs, chaque producteur possédait son savoir faire et son propre goût…
Ce puerh atypique n’a pas été fermenté de la même manière que l’ont par exemple été un shu cha chinois ou un affinage hongkongais, et il ne réagira dès lors pas de la même manière à l’infusion. Ses tanins en particulier, totalement lisses comme ceux d’un shu cha, mais encore frais comme ceux d’un sheng cha, le rendront particulièrement sensible aux durées d’infusion. Alors que pour un shu cha l’allongement de ces durées aura tendance à ne faire qu’intensifier et densifier la liqueur, ce thé révélera des caractères bien différents en fonction de la longueur d’infusion.
Bien que vous puissiez aussi utiliser un gaiwan, nous vous conseillons plus une petite théière en terre, idéalement culottée aux vieux thés, que vous aurez préalablement préchauffée à l’eau bouillante. Placez les feuilles sèches dans la théière chaude (entre 1/3 et 1/2 du volume de la théière), et appréciez l’odeur boisée qui s’en échappe…
Rincez les feuilles une dizaine de secondes à l’eau bouillante pour les réveiller, jetez la liqueur (ou goûtez là par curiosité) puis effectuez une première infusion de 20 secondes. Vous pourrez réaliser les infusions suivantes entre 10 et 30 secondes en fonction de votre goût et de l’effet que vous recherchez.
Vous devriez y trouver un très beau boisé sur l’attaque, avec un bois chaud et épicé, et des petites touches d’encens que l’on ne trouve en général pas dans des thés de moins de 30 ans. Sur la longueur apparaissent de belles notes fruitées, qu’on ne croise pas en général dans un puerh affiné. A contrario, on n’y trouvera ni le grain, ni la fraîcheur camphrée, ni l’univers de sous-bois auquel les affinages hongkongais nous ont habitué.
Autour de 10 secondes d’infusion, vous obtiendrez un thé léger, subtil et délicat, qui mettra en valeur la richesse et la finesse du boisé. Avec 10 secondes d’infusion supplémentaire, on aura probablement le résultat le plus équilibré, avec des arômes profonds, un boisé intense, et des notes d’encens de vieux thé. En infusant ce thé autour de 30 secondes, on perd un peu en équilibre mais on obtient un résultat plus charpenté dans lequel on retrouve la force d’un puerh sheng, sans pour autant le grain qui caractérise un tel thé, une liqueur épaisse, de superbes sensations en bouche et une longueur délectable.
Bien que ce thé ait été affiné, et vieilli 20 ans, il conserve de la vitalité, et n’a pas fini son évolution ! Vous pouvez donc l’apprécier à ce niveau de son évolution, ou le conserver quelques années voir quelques décennies de plus !
Comme tous les thés puerh, il est conseillé de le conserver à l'ombre, dans un espace légèrement ventilé, ou ventilé occasionnellement, et exempt de toute odeur parasite.