En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Depuis des siècles, le puerh vert est produit à partir de grands théiers de plusieurs mètres de haut, des arbres que l’homme a laissés pousser et qui ont développé un tronc et une partie supérieure. Ce savoir ancien qui se retrouve dans tout le Triangle d’or (du Laos à la Birmanie en passant par la Thaïlande et le Vietnam) est sans aucun doute la manière la plus ancienne d’établir et d’entretenir un jardin à thé. En Chine, ces méthodes traditionnelles ont progressivement laissé place à des jardins modernes, en terrasse, où les théiers sont taillés en buissons maintenus à hauteur de hanche. Ce type de jardin est en effet beaucoup plus pratique, rapide et moins coûteux à cueillir et à entretenir et a largement été mis en avant depuis les années 1950 comme un signe de progrès.
Dans les années 1990, avec l’ouverture du marché du puerh et le soudain regain d’intérêt pour cette famille de thé, on redécouvre en Chine les jardins anciens. On se rend compte alors que les thés produits à partir de grands arbres n’ont pas le même caractère que ceux venant de buissons, qu’ils possèdent plus de profondeur, et permettent des dégustations plus riches. Les feuilles de ces arbres, initialement mélangées, sont alors séparées, pour être vendues et dégustées de manière indépendante. C’est alors le début d’un grand engouement pour les Qiao Mu (littéralement « arbre », en opposition aux buissons).
Face à la demande, le prix pour les thés venant de grands arbres ne cessera d’augmenter, marquant petit à petit une séparation claire entre thés de culture en terrasse (Tai Di), et thés d’arbres véritables (Qiao Mu). Comme toujours, ce phénomène s’est accompagné d’un certain nombre d’abus, la grande majorité des thés étant dès lors vendus comme venant de grands arbres, quelque soit leur origine véritable (avez-vous déjà vu écrit Tai Di ou culture en terrasse sur une galette de thé?). Dans les années 2000, cette appellation « Qiao Mu » a tellement été usée par le marketing, qu’elle ne suffit plus et apparaît alors la notion de « Gu Shu » (vieux arbres). Les arbres doivent donc désormais non seulement être grands mais aussi vieux. On présuppose alors que plus l’arbre est vieux, meilleur est le thé, et on commence à avancer des âges, souvent complètement fantaisistes.
Dans les faits, (nous allons le voir lors de la dégustation), la taille et la manière dont l’arbre s’est développé ont bien une forte influence sur la qualité du thé. Ainsi, un thé de grands arbres sera presque systématiquement plus riche qu’un thé d’arbuste du même terroir (pour une transformation des feuilles identiques). La notion d’âge de l’arbre est pas contre à nuancer : contrairement à une idée reçue, les thés d’arbres de 100 ans ne sont pas nécessairement moins riches que ceux venant par exemple d’arbres de 800 ans.
Ce sont ces notions, et en particulier l’influence de la manière dont les arbres sont taillés et entretenus, que nous désirons vous faire découvrir ce mois-ci, avec deux puerh bruts de Yi Wu de ce printemps.
Yi Wu, à l’Est du Xishuangbanna, est une des montagnes à thé les plus réputées du Yunnan. Pour cause, c’est là que se sont établis au 18ème siècle les premières grandes familles de producteurs Chinois, et que les premières grandes galettes de puerh furent pressées. Par conséquent, c’est aussi ce lieu qui fut au cœur du regain d’intérêt pour cette famille de thé (sous l’impulsion des consommateurs Taïwanais). C’est notamment à Yi Wu que fut remis au goût du jour la tradition de la presse artisanale des galettes de puerh, à la pierre, par le producteur lui-même, là où dans le reste du Yunnan le pressage des galettes est généralement effectué dans des usines. Depuis les années 90, Yi Wu est aussi devenue une sorte de symbole du travail manuel et de la transformation artisanale du thé puerh par les paysans, en opposition à l’approche industrielle de Menghai. Les thés de petits producteurs provenant de Yi Wu sont donc particulièrement réputés, notamment pour la qualité du savoir faire dont ils font l’objet. Et tandis que de plus en plus de terroirs subissent aujourd’hui les hauts et les bas de la spéculation, Yi Wu est reconnue comme une valeur sûre.
Les deux thés que nous vous proposons proviennent des toutes premières récoltes de printemps 2018. Ce sont donc de très jeunes puerh primeurs, qui n’ont pas encore été façonnés par le temps. Ils viennent tous deux de Wang Bing, un petit producteur basé dans le vieux village de Yi Wu, dont la famille produit des thés puerh depuis plusieurs générations et avec qui nous travaillons depuis 2009. Tous deux sont issus du jardin de la famille et ont été transformés avec grands soins et de manière entièrement artisanale, à la ferme et par le producteur lui-même.
Ce qui différencie ces thés tient donc seulement dans les arbres dont viennent les feuilles. Le premier thé, Shen Tai Cha (thé écologique) vient d’une parcelle d’une trentaine d’années (ce qui pour le domaine du puerh en fait de jeunes arbres), taillée en buisson mais entretenue de manière écologique, sans chimie et avec un maximum de biodiversité. Le sol n’est pas désherbé, des ruches sont installées entre les théiers, des poules y gambadent, et un certain nombre d’arbres et de plantes viennent rythmer les allées de théiers.
Le second thé est une micro-production de quelques kilogrammes venant d’une toute petite parcelle, située à quelques centaines de mètres de la première. Contrairement à celle-ci, il s’agit de vieux théiers qu’on a laissés se développer comme de véritables arbres. Ce jardin familial est par ailleurs situé sur une petite colline dans un lieu protégé par la forêt. Les théiers sont ainsi baignés dans une brume bénéfique, à l’abri du soleil par l’ombrage d’arbres plus grands, mais aussi nourris par la richesse de la biodiversité.
De par sa rareté, le travail conséquent que sa récolte demande, le faible rendement et la qualité du produit final, le thé de vieux arbres coûte naturellement largement plus cher que son pendant taillé en buissons. Nous avons ainsi fait le choix de vous proposer ce mois-ci une poche de chacun de ces thés, dont le prix de revient est identique, pour que vous puissiez peser cet écart de valeur.
Passons désormais à la dégustation, et voyons l’influence que peuvent avoir ces différents arbres sur le caractère et la qualité du thé !
Comme tous les puerh verts non compressés, nous vous conseillons d’employer un gaiwan, plus adapté au volume des feuilles, bien que l’usage d’une petite théière soit toujours possible. Utilisez de préférence une eau minérale et totalement bouillante. Vous pouvez jeter la première infusion si vous préférez rentrer directement dans le vif du sujet, ou au contraire la consommer pour une entrée en matière progressive. Si vous infusez les deux thés à la suite, il est préférable de commencer par celui de jeunes arbres.
Commencez par des infusions courtes, de l’ordre de 5 secondes, puis adaptez en fonction de vos propres goûts. Si l’infusion vous a semblé manquer de consistance, vous pouvez rajouter quelques secondes à la suivante, où au contraire si elle vous a semblé trop forte ou déséquilibrée, écourtez un peu les infusions suivantes.
Qu’il s’agisse du thé de jeunes ou de vieux arbres, vous devriez trouver un caractère frais végétal et délicat, avec un bouquet riche, complexe et éclatant. On y retrouve une variété de fleurs, avec des touches d’épices et de vanille, typiques d’un très jeune puerh contemporain travaillé avec soin. Derrière les fleurs, on retrouve une note soyeuse de fruit jaune et caractéristique du terroir de Yi Wu. On appréciera le côté changeant de ce thé, son évolution mais aussi sa longueur et la manière dont il colore la respiration d’une infusion à l’autre.
La comparaison entre le thé de vieux arbres et celui de buissons est particulièrement intéressante. En termes de notes aromatiques, vous remarquerez que les deux sont assez semblables. Les vieux arbres (hormis les arbres sauvages) ne possèdent pas en effet un arôme particulier que l’on ne retrouverait pas chez les jeunes arbres par exemple.
La différence se fait en effet plus sur la manière dont les arômes vont prendre place, et s’agencer les uns avec les autres. Là où les arômes des thés de jeunes arbres semblent être au même niveau, et mêlés les uns aux autres, ceux de vieux arbres donnent une impression d’amplitude et de profondeur, où chaque note a sa place. Il suffit alors de boire une infime goûte de thé pour avoir l’impression que celle-ci explose en passant dans la gorge, et qu’une multitude d’arômes s’en échappent, puis prennent possession de toute la cavité nasale.
De même, les arômes du thé de vieux arbres apparaissent beaucoup plus persistants, demandent plus de temps entre les infusions, et rendent ces « entre tasses » plus riches. Après quelques infusions, un retour d’une douceur complexe (que les Chinois appellent Hui Gan, typique des vieux arbres et particulièrement apprécié) viendra s’inviter. En poussant un peu les infusions, on remarquera aussi les tanins plus francs des vieux arbres, là où l’édition de jeunes arbres ne possède presque aucune amertume.
Si ainsi on retrouve bien dans ces deux thés la marque d’un terroir identique, une même approche dans le travail des feuilles, le puerh de vieux arbres laisse une sensation de profondeur et produit une dégustation plus riche, complexe et dynamique qui explique l’engouement des amateurs pour ces arbres.
Il s’agit de thés contemporains, plus pensés pour exprimer toute leur richesse dans leurs premières années, que sur une garde longue. Comme beaucoup de puerh aujourd’hui, cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas évoluer avec le temps, mais qu’ils ne se développeront pas de la même manière qu’un thé de garde ou que les thés du passé. Au lieu de prendre en charpente et de développer la fraîcheur boisée caractéristique des vieux puerh, ces thés vont s’arrondir avec les années, et développer des arômes de fruits de plus en plus compotés.
N’hésitez pas, si vous appréciez ces arômes, à attendre entre 5 et 10 ans pour en profiter pleinement. L’édition de vieux arbres sera dans ce sens plus adapté à la garde. Elle évoluera plus lentement celle des jeunes arbres, gardera plus longtemps une certaine tenue, et développera plus de complexité. Mais ce n’est pas parce que ce thé évolue qu’il faut nécessairement le faire vieillir, et si vous préférez sa dimension fraîche et fleurie, n’attendez pas et consommez-le au plus vite !