En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Un des caractères importants du thé puerh est qu’il ait été depuis des siècles compressé en galettes. Au-delà de la question de la forme, et à l’instar d’une bouteille de vin, cela en fait un objet culturel : un produit de l’homme, identifiable, nommé et signé.
Ainsi, si autant de puerh produits depuis les années 1900 ont affronté le temps et peuvent encore être dégustés aujourd’hui, ce n’est pas uniquement du fait que cette famille de thé ait (parfois) l’étonnante capacité à se bonifier avec les années. En quittant le simple produit agricole – du thé vendu au kilogramme ou à la tonne – ces galettes de thé sont devenues des produits de culture.
Il y a 100 ans de cela, lorsque l’on achetait une galette de Song Pin Hao (célèbre famille de producteur de puerh établie dans le village de Yi Wu depuis la fin des années 1800), on n’achetait pas juste 300g de feuilles venant de telle ou telle montagne. On achetait un produit de cette famille reconnue, élaboré avec soin. On achetait un savoir faire transmis de génération en génération, et surtout on achetait un « goût ».
Dans ce berceau du puerh chinois qu’est Yi Wu (d’où viennent la majorité des grands producteurs privés du début du XXème siècle), chacun avait alors sont goût, son style, son approche, et préférer un Fuyuanchang à un Tongchang (producteurs historiques de puerh à Yiwu) était une affaire d’aspiration personnelle. Ce sont cette multitude de « goûts », ces griffes des producteurs derrière lesquelles se reflétait toute une approche du thé, qui ont fasciné les amateurs dans les années 1990 lorsque l’on a redécouvert ces vieilles galettes. Même après des décennies de maturation, un Tongchang avait toujours son caractère, qu’il ait été produit au début des années 1930 ou à la fin des années 1940, et faisait la différence avec par exemple celui d’un Jingchang, pourtant produit dans la même région !
Avec l’arrivée des communistes dans les années 1950, ces ateliers privés ferment, les grands maîtres qui connaissaient leurs secrets s’enfuient ou sont persécutés en tant que riches propriétaires ou symboles d’une culture passée, et leur savoir disparaît. Ces différentes galettes, sont alors remplacées par une unique galette, au couleur du parti (la célèbre Marque Rouge), conçue dans les usines nationales désormais responsables de la production du thé puerh. On aurait alors pu croire à la mort des styles et des goûts qui faisaient la richesse de cette famille de thé. Or si ces goûts du passé ont bien été balayés, petit à petit de nouveaux ont fini par s’installer. Après une certaine uniformisation, chaque usine a en effet progressivement construit son propre goût, et bien qu’elles aient toutes été chapeautées par la même entreprise d’Etat (CNNP), les thés qui sortaient de l’usine de Menghai n’avaient finalement pas le même caractère que ceux sortis de l’usine de Kunming, Puwen, Fengqing, Mengku ou encore de Liming.
Dans les années 1990, en plein boum du puerh, le marché s’ouvre soudainement laissant chacun libre de créer sa propre fabrique de thé, et de presser ses propres galettes. En à peine 20 ans, le marché s’est alors retrouvé inondé de milliers de marques de puerh, dans lesquelles il est aujourd’hui difficile de se repérer. Plus que de construire un « goût » ou de suivre une voie précise, la grande majorité de ces producteurs collent désormais au marché, c’est à dire les « goûts » des consommateurs, et suivent ainsi la mode de tel ou tel moment. On a ainsi vu ces dernières années l’engouement pour les thés de grands arbres, d’arbres sauvages, puis de vieux arbres, puis la montée au sommet de villages tel quel Yi Wu, Banzhang, Bing Dao. Enfin, on est aujourd’hui en plein dans un phénomène de « verdisation » du puerh, qui se veut de plus en plus pâle, doux et de moins en moins oxydé, et va finir par devenir un thé vert. Dans ces chamboulements permanents, où chacun suit l’autre comme dans un troupeau de mouton, peu de « goûts » perdurent et la marque du producteur ne se résume finalement qu’à une « Trade Mark » sur l’emballage.
Pendant environ une dizaine d’années, les usines d’État (dont un certain nombre ont été privatisées, en particulier les plus connues comme Menghai Tea Factory ou Xiaguan) ont tenté de faire front et ont continué à re-produire leurs thés classiques et à faire perdurer leur « goût » (vous vous rappelez peut être du « goût Bao Yan » du puerh du mois d’Avril 2017) avant de finalement se plier à la demande des nouveaux consommateurs. Aujourd’hui nous sommes donc à la fois submergés par une diversité jamais vue de producteurs et de marques de puerh, et paradoxalement enfermés dans une uniformité dictée par le marché. C’est donc cette dizaine d’années (en gros 1995-2005) qui est intéressante car on y trouve encore la trace des grandes usines d’Etat et les styles typiques de ces dernières.
C’est ce qui fait l’intérêt du thé que nous avons choisi de vous faire découvrir ce mois ci, sorti de l’usine de Liming en 2005. Située à Mengzhe, dans la région du Xishuangbanna, l’usine de Liming fait partie des anciennes usines d’État du Yunnan. Fondée en 1984, elle produit initialement du thé noir, avant de concevoir ses propres galettes de puerh vendues sous la marque Ba Jiao Ting. Ce thé, assez simple, n’est pas un très grand thé, mais il possède le « goût Liming» typique de cette fabrique et aujourd’hui disparu. Un goût qu’on aime retrouver de temps en temps, comme on revoit un vieil ami.
Vous pouvez aussi bien préparer ce thé en gaiwan qu’en petite théière, avec une eau bouillante. Le gaiwan permettra des infusions plus courtes et vous donnera plus de contrôle sur celles ci. La théière au contraire vous permettra une extraction plus puissante des composants des feuilles et, en l'infusant comme un vieux thé, vous donnera une idée de la voie sur laquelle il s'inscrit.
Ce thé, au profil classique, peut s’infuser plus ou moins longuement selon les goûts de chacun. Des infusions « flash » de quelques secondes donneront des thés plus légers, peu agressifs, mais dans lesquels vous retrouverez tout de même bien le caractère de ce puerh. Des infusions plus longues, surtout associées à une quantité plus élevée de feuilles, produiront au contraire un thé plus corsé, puissant et tannique.
Dès la première infusion, qu’on sente le couvercle du gaiwan, de la théière ou les feuilles humides, on est face au caractère typique des thés de Liming. Un quelque chose de difficile à définir, ni vraiment fleuri, ni vraiment végétal, qui peut évoquer de l’anis, du fenouil ou de l’essence de térébenthine (qui n’est d’autre que de la résine de pin distillée).
C’est cet arôme qui servira de trame à la dégustation, et persistera tout au long de cette dernière. Au fur et à mesure des infusions, d’autres notes comme des épices ou de la sève de pin et encore des touches d’encens viendront se greffer dessus, l’habiller, et complexifier le bouquet.
Outre le caractère typique de Liming, on est dans un thé au profil classique, dynamique et changeant d’une infusion à l’autre, avec une charpente forte qui s’impose au fur et à mesure de la dégustation et de laquelle émerge des douceurs typiques. Mais on est aussi dans le caractère d’un thé taillé pour vieillir, après une dizaine d’années de maturation naturelle, avec des tanins affinés mais loin d’être fondus, un grain fin mais marqué, et un nez dominé par le bois et les fraîcheurs camphrées.
Il s’agit d’un thé au profil classique fait pour pouvoir évoluer positivement avec le temps. Avec 13 ans de maturation naturelle, ce thé commence seulement à s’exprimer et pourra encore être gardé de longues années. Il peut cependant tout à fait être apprécié aujourd’hui, en particulier pour le caractère typique de son bouquet et ses arômes camphrés d’un bon 10 ans d’âge!