En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Après trois mois consacrés aux puerh primeurs de ce printemps, nous entamons un nouveau cycle autour de puerh plus sombres. Nous commencerons pour cela par un shu cha contemporain particulièrement riche, qui vous fera peut-être redécouvrir cette famille de thés !
Les shu cha sont généralement aujourd’hui des thés fortement fermentés produits par Wo Due. Cette technique, bien qu’ancienne, ne fut standardisée et reconnue comme telle que dans les années 1970. Dans les grandes lignes, elle consiste à produire un tas de puerh en vrac, à l’asperger d’eau, puis à le couvrir de bâches hermétiques. Au sein de la pile ainsi humidifiée et isolée, la température montera progressivement. Les micro-organismes responsables de la fermentation du thé puerh s’y multiplieront rapidement et transformeront profondément les composés du thé. Moins de deux mois sont alors nécessaires pour arriver à un niveau de fermentation qui demanderait plusieurs années d’affinage traditionnel (ou stockage Hong-Kongais), ou plusieurs dizaines d’années de maturation naturelle. Bien entendu, si le niveau de fermentation (couleur des feuilles et de la liqueur) est le même, le caractère lui diffère.
Si dans les années 1970, où cette technique fut développée au niveau industriel, il était encore question d’imiter les affinages Hong-Kongais (avec donc des fermentations légères et subtiles), les choses ont bien changé de nos jours. Les shu cha sont depuis les années 1990 des thés fortement fermentés, mais aussi des thés qui possèdent leur propre registre gustatif, et qui n’ont plus grand chose à voir avec ce qui se faisait dans le passé. Plus encore, les shu cha sont progressivement devenus des produits industriels de grande consommation, avant tout pensés pour être bus au quotidien, et non des thés fins faits pour être dégustés ou vieillis en cave.
Tandis que l’univers des puerh verts est aujourd’hui en pleine effervescence (avec des thés de plus en plus fins, subtils et chers), les shu cha de leur côté restent des thés populaires et simples. On ne produit ainsi pratiquement aucun shu cha haut de gamme ou de dégustation. On pourrait avancer plusieurs raisons à cela, comme le volume des piles de fermentation (généralement au moins 3 tonnes) qui permet difficilement d’employer des feuilles de qualité supérieure, ou sélectionnées avec soin, qui viendraient par exemple de terroirs renommés ou de vieux arbres.
Mais plus que tout, ce qui cantonne le shu cha dans la production grand public reste l’attente des consommateurs. Une majorité d’amateurs de shu cha cherchent avant tout un produit bon marché, alors que le prix des feuilles de puerh ne cesse d’augmenter, ce qui pousse les producteurs à garder les meilleures feuilles pour leurs puerh verts et à employer un matériau de qualité inférieure pour leurs pendants fermentés. C’est pourquoi les shu cha sont aujourd’hui pratiquement exclusivement produits à partir de culture intensive, et des récoltes d’automne et d’été. C’est donc sans surprise que le résultat (même s’il peut être intense et agréable) manquera généralement de subtilité et de profondeur pour faire un grand thé.
Bien que ce soit très rare, il arrive pourtant de croiser de petites productions d’exceptions qui, à leur manière, arrivent à la complexité, la finesse et la profondeur d’un jeune puerh brut, ou d’un thé affiné ancien. C’est le cas du thé que nous vous proposons ce mois ci, qui est sans aucun doute un des meilleurs shu cha contemporains qui aient été produits ces 10 dernières années !
Comme tout grand thé, cette qualité hors du commun découle de deux aspects: la qualité des feuilles employées tout d’abord (qui donne au thé son potentiel) et une maîtrise particulière dans leur transformation (qui permet à ce potentiel de s’exprimer pleinement).
Les feuilles de ce thé viennent de Kokang, une petite région Birmane blottie entre l’État Shan et les régions de Gengma et de Yong De dans le Yunnan. Kokang est une zone particulièrement riche, que ce soit pour la qualité de ses jardins et des conditions naturelles, ou pour la culture du thé qui s’y est développé. Annexé à la Birmanie il y a à peine 50 ans, ce lieu était depuis le 17ième siècle une sorte de petit royaume, dirigé par une lignée de princes venus du Yunnan, ce qui explique notamment que la culture chinoise et le thé chinois y soient aussi implantés. Malheureusement, Kokgang reste aussi une des régions du puerh les plus mystérieuses et méconnues. Elle est régulièrement le théâtre de conflits armés depuis les années 1960, rendant difficile son exploration et le développement d’un véritable marché du thé. La situation et les violences armées ce sont encore aggravées depuis 2015, où la région a sombré dans une forme de guerre civile, rendant son accès pratiquement impossible. Il arrive cependant que certaines productions de thé de Kokang passent la frontière chinoise, et donnent un aperçu sur la richesse de ce terroir méconnu.
C’est ce qui est arrivé à ces feuilles, cueillies et transformées comme un puerh brut dans les montagnes de Kokang en 2010, puis rachetées et mises à fermenter par un petit producteur de Menghai, dans le Yunnan. Les montagnes de Birmanie restent des zones particulièrement pauvres et peu développées. Loin des cultures intensives qui ont couvert les montagnes du Yunnan ces 20 dernières années, on y pratique encore une agriculture traditionnelle. Les thés sont ainsi majoritairement cueillis sur des grands arbres, taillés et entretenus à l’ancienne, et transformés de manière traditionnelle.
Une telle qualité de feuilles n’est aujourd’hui pratiquement jamais utilisée dans le Yunnan pour produire un puerh fermenté. C’est donc avant tout grâce au prix raisonnable des récoltes de Kokang, à la chute du marché en 2007, mais aussi à l’audace du producteur que l’on doit la transformation de ces feuilles en shu cha ! Bien sûr, la richesse du matériel récolté ne fait pas tout. La qualité de ce thé est aussi à attribuer à la maîtrise de la fermentation qui les a façonné. Une fermentation fine et assez légère, subtile et sans lourdeur, qui n’est pas sans rappeler les shu cha du passé...
Vous pouvez, pour infuser ces feuilles, utiliser une théière ou gaiwan, et de l’eau parfaitement bouillante. Le dosage du thé dépendra de l’effet escompté. Moins de feuilles contribuera à un thé plus léger et fluide, alors qu’une quantité plus importante de feuilles donnera une infusion plus sombre et épaisse.
De plus, c’est un thé qui supporte une grande latitude dans les durées d’infusion, entre à peine deux secondes à plus d’une minute ! Privilégiez des infusions courtes si vous préférez un thé léger et fluide, ou des infusions plus longues pour un rendu plus dense. Si vous découvrez ce type de thé, vous pouvez aussi verser la moitié de votre théière ou gaiwan dans une tasse au bout de quelques instants d’infusion, puis laisser le reste s’infuser plus longtemps pour remplir une seconde tasse, et vous rendre compte par vous-même les différences de rendu !
En humant la tasse ou le couvercle du gaiwan, on remarque immédiatement la touche classique de ce thé, qui renvoie à l’univers des vieux thés ou des affinages Hong-Kongais, ce qui se confirme lors de la dégustation. Le grain en particulier est fin mais pas lisse, ce qui est le reflet d’une fermentation modérée des feuilles et donne à l’infusion une texture typique de vieux thé. Les arômes sont dans la même lignée, avec un caractère très classique, sobre, boisé, minéral et légèrement poivré. Mais ce que ce thé a de remarquable, c’est sa profondeur, la manière dont il se répand, dès la première goûte, du palais à la gorge, et la longueur exemplaire qu’il propose.
Bien que ce thé ait déjà été fermenté à sa production, le style classique et la modération de cette fermentation laissent une certaine place à la post-fermentation, et permet donc une garde plus longue. On remarque ainsi déjà des belles traces de maturation, acquises durant ses sept premières années de garde, et qui s’affirmeront avec le temps. Mais ce type de maturation prend du temps, et il peut être judicieux de laisser vieillir ce thé plus de 10 ans. N’espérez pas des changements flagrants d’une année sur l’autre comme peuvent en présenter des puerh verts.
Comme tout puerh en vrac, il est suggéré de le conserver dans un récipient inodore légèrement poreux ou occasionnellement aéré (jarre, poche en kraft, boite, etc).
Bonnes dégustations et rendez-vous le mois prochain!