En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Comme nous l’avons vu le mois dernier (avec la Wang Bing Cang 2016), Yi Wu est aujourd’hui un haut lieu du puerh, où sont produits des thés particulièrement fins et recherchés, mais aussi une région historique d’importance. C’est en effet là que s’installèrent à la fin du 18è siècle les premières grandes familles chinoises de producteurs de thé, dont certaines presseront des galettes de puerh jusque dans les années 1950. Pendant cet âge d’or (qui durera un siècle et demi), plusieurs grandes familles devenues célèbres se côtoieront à Yi Wu telles que Fuyuanchang, Song Pin, Tong Qing, Tong Chang. Elles produiront quelques-uns des grands chefs-d’œuvre de l’histoire du thé.
Mais si Yi Wu a aujourd’hui une telle renommée, et que les thés de la région sont autant recherchés, c’est aussi grandement due à l’influence de Taïwan ! C’est en effet sur cette île que la valeur et la richesse des vieux puerh furent redécouvertes dans les années 1990. Parmi ces thés anciens, qui étaient alors stockées à Hong-Kong, se trouvaient notamment ces mystérieuses galettes de Yi Wu.
C’est donc naturellement dès la fin des années 1990 que se rendirent des Taiwanais à Yi Wu, fascinés par les thés qui y avaient été produits, avec le rêve d’y trouver des galettes d’époque, ou les secrets de leur fabrication. Beaucoup d’entre eux furent cruellement déçus en découvrant que plus rien ne subsistait de l’ère des producteurs privés, pas plus des thés d’époque que des savoir-faire anciens, et que tout avait été balayé par 50 ans d’industries communistes.
Un certain nombre de personnes chercheront alors à faire renaître cette culture de ses cendres. À partir des rares documents anciens qui aient survécu à la révolution culturelle, ou des mémoires de ceux qui se sont enfuis du Yunnan (notamment pour Taïwan) dans les années 1950, la culture de la compression artisanale du thé fut ré-introduite à Yi Wu. Différentes personnalités du thé à Taïwan se lancèrent aussi dans la production de puerh (Voir Fu Lu Yuan Cha 2007 par Teng Shih Hai, puerh du mois de septembre 2018), en supervisant des productions fondamentalement différentes de ce qui était alors produit dans les usines d’État, avec le rêve de faire renaître les grandes galettes du début du siècle.
Depuis, l’intérêt pour les thés puerh s’est fortement répandu dans toute la Chine et au-delà, et a largement dépassé cette volonté initiale de reproduire les grands thés du passé. Dans tout le Yunnan, mais plus encore dans les villages renommés comme Yi Wu, on a vu se développer une volonté d’élever la qualité des thés produits, et placer le thé puerh au niveau des grands thés chinois (cf. thé du mois dernier). Or améliorer la qualité du thé pose nécessairement la question du critère. Alors que le puerh est par nature un thé rustique, on adaptera les méthodes de production pour privilégier des bouquets plus fins et délicats, mais aussi pour réduire son amertume et rendre des produits plus accessibles. C’est pourquoi les thés réalisés aujourd’hui à Yi Wu sont si différents de ceux d’il y a 10 ou 20 ans.
Les productions de la première moitié des années 2000 (qui ont été commanditées ou supervisées par des Taïwanais) sont donc particulièrement intéressantes car elles regardent vers les puerh antiques de Yi Wu, s’en inspirent et tentent de les reproduire. Si bien sûr on peut douter que ces reproductions soient conformes à ce qui était fait il y a un siècle, ou vieillissent de la même manière, ils ont l’intérêt de posséder un caractère propre, et se distinguent à la fois des thés sortis au même moment des usines du Yunnan, et des thés qui seront produits ensuite.
C’est le cas de la galette que nous vous proposons aujourd’hui. Nous ne savons pas grand-chose de ce thé, qui est passé entre plusieurs mains à Taïwan, si ce n’est qu’il a été pressé en 2005 à Yi Wu, avec la volonté de reproduire une galette de Tong Qing Hao, un célèbre producteur influent au début du siècle dernier. Comme cela se faisait jusque dans les années 1950, les galettes ne possèdent pas d’emballage individuel, et sont simplement réunies par 7 dans un emballage fait d’écorce de bambou. Entre les feuilles qui composent la galette se trouvent une reproduction du Nei Fei de Tong Qing Hao, ce ticket typique qu’on inclue traditionnellement à la galette pour l’identifier.
Mais plus encore que ce petit bout de papier, ce sont les feuilles de thé qui, par la manière dont elles ont été sélectionnées et transformées, nous renvoient aux puerh antiques. À l’exception de sa couleur qui change avec le temps, cette galette s’apparente bien à ce qui pouvait se faire au début du 20è siècle. Par rapport à un puerh de Yi Wu contemporain, comme nous vous en avons proposé le mois dernier, on notera des feuilles plus larges, matures, roulées moins serrées mais plus fortement, ce qui donne à la galette un tout autre aspect. Or c’est bien ce savoir-faire qui nous intéresse, et les gestes qui ont façonné ces feuilles n’ont bien entendu pas qu’une influence esthétique, mais conditionnent le caractère du thé et la manière dont il évoluera dans le temps. Voyons donc ce que cela donne après 15 ans de maturation naturelle à Taïwan.
Ce thé peut s’infuser aussi bien dans une petite théière que dans un gaiwan, avec de préférence une eau parfaitement bouillante. C’est un thé assez charpenté, comme on les produisait dans le temps, mais moins violent qu’une production d’usine, et travaillé par 15 ans de maturation naturelle. Il peut s’infuser avec beaucoup de latitude, et donnera des résultats intéressants entre 2 secondes seulement à près de 30 secondes. Des infusions un peu poussées produiront naturellement un thé corsé, mais très agréable et non agressif, car c’est un thé qui a été conçu et produit pour s’exprimer ainsi. Des infusions flash, de quelques secondes seulement, en donneront une vision plus douce, avec moins de sensations en bouche mais privilégieront la qualité des arômes.
On est dans un univers très boisé, dans lequel on trouve une grande richesse, du chêne, du pin, des aiguilles de pin, de la sève, des notes cirées… Avec les infusions, le thé prend de la structure, révèle ses tanins, puis développe ces très belles douceurs en écho, que les Chinois appellent Hui Gan. Au fur et à mesure de la dégustation se dessine le caractère de ce thé, et sa singularité non seulement par rapport aux productions contemporaines de Yi Wu (qui auront plus tendance à partir vers du fruité que du boisé) mais aussi les thés de l’ère des Chi Tse Beeng (1970-2000) et des usines d’État (qui sont plus tanniques et puissants).
Il s’agit d’un thé de garde conçu pour s’exprimer avec le temps. Après 15 ans de maturation naturelle il commence à s’exprimer pleinement et peut donc tout à fait être apprécié pour ce qu’il est. Vous pouvez cependant continuer à le laisser vieillir et savourer son évolution sur une ou plusieurs décennies !
Comme tous les puerh, il est préférable, pour favoriser la maturation du thé, de le conserver dans un récipient légèrement aéré (poche en papier ou en carton, boite entre-ouverte ou régulièrement aérée)
