En collaboration avec La cave à puerh et Terre des Thés, nous sommes heureux de vous proposer le puerh du mois, un focus bref et mensuel sur un puerh qui nous a particulièrement marqué.
Jeune puerh brut, puerh fermenté, vieux arbres, arbres sauvages, stockage Hong-Kongais, vieux puerh, etc, grâce à l'abonnement proposé sur le site de Terre des Thés, vous pourrez chaque mois et pour seulement 24€ (ports compris), recevoir chez vous le puerh du mois, en quantité variable selon la valeur et la rareté des thés (une petite galette, 50g à 200g de vracs, ou parfois un ou plusieurs échantillon de 10g), et découvrir ainsi progressivement les multiples facette de l'univers du thé puerh!
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Le mois dernier, nous avons exploré ensemble Bulang Shan, à travers un maocha de petit producteur, et découvert le goût typique des puerh de cette région. Une des grandes particularités des jeunes puerh bruts est en effet d’être des thés de terroir. Ne provenant pas historiquement d’une origine unique comme c’est le cas d’un certain nombre de thés chinois, mais d’une vaste zone (qui pour la Chine inclue principalement les trois régions que sont Lincang, Pu’Er et le Xishuangbanna, mais s’étend bien au-delà de ces frontières dans les montagnes de Birmanie, du Laos, de la Thaïlande ou encore du Vietnam), les puerh se déclinent en fonction des montagnes, des vallées et des villages où ils sont produits.
Mais qu’est ce qui fait la typicité des thés de ces terroirs ? On avance généralement pour l’expliquer les conditions naturelles des différentes montagnes, leurs sols, leurs altitudes, leurs expositions, etc, qui ont une influence certaine sur le caractère et la qualité du thé. Mais on oublie souvent le principal facteur sur lequel se base cette typicité : la variété des arbres.
Le puerh n’est en effet pas un thé de cultivar (bien qu’il existe un certain nombre de cultivars dans le Yunnan, utilisés notamment dans les productions intensives). C’est-à-dire qu’il ne vient pas de variété artificiellement isolée et clonée afin de reproduire un caractère unique. Au contraire, les puerh se basent généralement sur des variétés locales, qui se reproduisent naturellement, et sont propres à chaque région, vallée ou montagne. Depuis des siècles, ces variétés naturelles se sont progressivement adaptées aux conditions de ces différents terroirs, produisant une forte diversité au sein des arbres à grandes feuilles du Yunnan. Bien que les paysans ne connaissent généralement pas les noms de ces variétés, qu’on se contente d’appeler « Da Ye Zhong » (théiers à grandes feuilles), les arbres qu’on trouvera à Bulang Shan, à Mengku ou encore à Yi Wu appartiennent en réalité à des variétés bien distinctes, dont les différences se reflètent fortement dans le caractère des thés qui en découlent.
Reproduits naturellement à partir de graines, les différents arbres d’un jardin donné, qu’il s’agisse de vieux arbres mais aussi souvent d’arbres plus jeunes, ne sont pas non plus tous identiques, comme le sont ceux d’une culture intensive clonée, mais présentent chacun de légères nuances génétiques, qui font leur richesse. De nombreux jardins sont ainsi composés de différentes variétés, qui y cohabitent et s’y croisent.
Bulang Shan comprend ainsi principalement deux grandes variétés locales, qui partagent toutes les deux un certain nombre de traits typiques de la région, mais possèdent aussi leur propre personnalité. La plus typique, mais aussi la plus rare, est sans aucun doute celle qu’on appelle dans la région Ku Cha, soit littéralement « thé amer ». Reconnaissable à leurs longs bourgeons blancs, ces théiers produisent, comme leur nom l’indique, des thés particulièrement amers, mais aussi et surtout une amertume spécifique et très appréciée. Différente par exemple de l’amertume des thés de garde des années 1990 (voir puerh du mois de décembre 2018), ou de l’amertume sèche et typique des thés de Xiaguan (voir puerh du mois de mai 2019), il s’agit d’une amertume chaude, généreuse et complexe, qui se développe profondément dans la gorge, et de laquelle semble jaillir une incroyable richesse aromatique !
Ce sont ces théiers amers qui ont fait la réputation du village de Lao Man E, où ils sont très présents, et qui produit probablement un des meilleurs Ku Cha du Yunnan, même si on en trouve également dans quelques autres villages de Bulang Shan, et de l’autre côté de la frontière, en Birmanie.
Par opposition, les autres variétés de Bulang Shan y sont généralement appelés Tian Cha, qui signifie « thé doux ». Attention cependant, comme vous avez pu le remarquer le mois dernier, il s’agit de thés charpentés et puissants, et cette « douceur » relative n’a que de sens face à l’exceptionnelle puissance tannique des Ku Cha !
Jusque dans les années 2000, Tian Cha et Ku Cha d’un même jardin étaient généralement mélangés lors de la récolte, et s’équilibraient tout en contribuant fortement au caractère charpenté et tannique qu’on attribue aux thés de Bulang Shan. Avec le regain d’intérêt pour les puerh bruts, on sépare désormais les feuilles de Tian Cha et de Ku Cha. Ces dernières prennent souvent place, en petite quantité au sein d’assemblage, et leur apporte charpente et longueur en bouche, ou sont appréciées seules, notamment à Lao Man E, pour leur caractère typique !
Pour découvrir cela, nous sommes heureux de vous proposer deux maocha, venant d’un même jardin du sud de Bulang Shan, provenant respectivement d’une variété « douce » et d’une variété amère !
Vous pouvez infuser ces thés à l’aide d’une théière ou d’un gaiwan. Ce dernier est cependant plus adapté à la taille des feuilles de maocha (puerh brut non compressé). Comme tous les maocha, n’hésitez pas à remplir le gaiwan de feuilles sèches, ces dernières paraissant généralement plus volumineuses qu’elles ne le sont après infusion.
Nous vous conseillons, pour ne pas dénaturer la qualité et le caractère de ces thés, d’utiliser une eau bouillante et de jouer sur les durées d’infusion (et non la température de l’eau) pour corriger si besoin l’intensité du thé.
Vous pouvez commencer par des infusions flash, d’une ou deux secondes seulement, que vous pourrez ensuite allonger si vous voulez rendre le résultat plus corsé. Les thés de Bulang Shan étant particulièrement changeant d’une infusion sur l’autre, nous vous conseillons de ne pas jeter le premier passage, afin d’apprécier pleinement cette évolution.
Si vous infusez ces thés à la suite, nous vous suggérons de commencer par le Tian Cha, plus doux. La première infusion effectuée, prenez le temps d’apprécier l’odeur des feuilles infusées, ainsi que celle plus subtile qu’elles ont laissée sur le couvercle du gaiwan. On y retrouve avec beaucoup de richesse et de profondeur la typicité des thés de Bulang Shan : un caractère légèrement lourd, complexe, dense, où se mêle une alchimie de notes animales, de cannelle, de vanille et d’épices variées. Sur la longueur on y trouvera aussi de subtiles touches de fruits rouges.
La dégustation de cette première liqueur est dans la lignée, et rajoute à la dégustation de belles sensations en bouche, un petit fourmillement, et produit une longueur riche et persistante.
La deuxième infusion est beaucoup plus puissante, laisse en bouche un agréable contact granuleux, et prend possession de la gorge où une belle chaleur s’installe progressivement.
À partir de la troisième infusion, ce thé révèle pleinement sa charpente et la puissance de ses tanins. Le contact en bouche devient beaucoup plus franc, sec, voir violent, et surprendra sans aucun doute l’amateur occidental. Une fois la sensation immédiate de ce contact passé, se dégage par contre toute une richesse, tactile et aromatique, aussi bien en bouche, dans la gorge et dans le nez.
Cela en fait donc un thé plus difficile d’accès que ceux de terroirs moins tanniques, comme Yi Wu mais qui, une fois dompté, présente une grande richesse de sensations et d’arômes.
Si on compare ce thé au maocha du mois dernier, on retrouvera clairement la marque commune qui définit le terroir de Bulang Shan, notamment dans la manière d’évoluer lors des premières infusions, mais aussi des différences liées au caractère de chaque jardin et à la transformation des feuilles.
Le Ku Cha, que vous pourrez infuser de la même manière, présente dès la première infusion un nez assez similaire, bien que plus profond et persistant. Comme le thé précédent, la première infusion est subtile et d’une très grande douceur. La deuxième infusion gagnera en densité, mais aussi en profondeur, et produit une finale riche, complexe, et particulièrement longue.
C’est à partir de la 3ème infusion que la typicité du Ku Cha commence à se faire sentir. Chaque gorgée prend alors la forme d’une véritable détonation aromatique. Après une déflagration d’amertume qui se répand rapidement à toute la bouche avant d’envahir la gorge, une incroyable richesse aromatique semble envahir en un instant tout l’espace que permet la cavité buccale. Une fois la déflagration passée, la respiration reste durablement teintée d’une multitude d’arômes…
C’est ainsi un thé qu’on savourera sur la longueur, en espaçant les infusions, pour apprécier la richesse des entre-tasses et leur progressive évolution !
Il s’agit de puerh contemporains, qui n’ont pas été spécifiquement produits pour la garde. Leur transformation, dans le style de ce qui se faisait dans les années 2000, laisse cependant la place à une post-fermentation bénéfique, accentuée par les tanins généreux que ces thés possèdent. C’est donc des thés plutôt pensés pour une consommation dans les premières années qui suivent sa production, mais qui a des chances d’évoluer positivement sur au moins une dizaine d’années, voir plus (ce qui reste peu pour un thé de garde).
Comme tous les puerh, il est préférable, pour favoriser la maturation du thé, de le conserver dans un récipient légèrement aéré (poche en papier ou en carton, boite non hermétiquement fermée ou régulièrement aérée, etc).