Située à l'Est du Xishuangbanna, collée à la province Laossienne de Phong Sali, Yi Wu est une des montagne à thé les plus connues du Yunnan. Propulsée sur le devant de la scène dans les années 1990, la qualité des thés de cette montagne à thé sont reconnus depuis le 18ième siècle.
- 1.Dans les montagnes de Yi Wu
- 2.Jardin à thé à Yi Wu
- 3.Vieille rues du village de Yi Wu
- 4.Théiers dans la foret à Yi Wu
La notion de « montagne à thé » chère aux amateurs de puerh (Pu Er tea) est cependant trompeuse, en particulier pour l'occidental qui a tendance à y voir un terroir précis et définit tel que l'on peut en avoir pour le vin. De tailles très variées, les montagnes à thé ne désignent en effet pas « une montagne » comme on pourrait le croire, mais une zone plus ou moins grande couvrant souvent un certain nombre de monts et de vallées distinctes. Si on retrouve souvent un certain caractère gustatifs aux thés d'une même montagne à thé, elles ne constituent généralement pas un terroir en soit, mais plus une « région » possédant ses spécificités régionalise mais pouvant comporter différents terroirs bien distincts, parfois d'ailleurs à cheval entre deux montagne à thé différentes.
Ces différences s'expliquent notamment par des altitudes hétérogènes entre les différents terroirs d'une même montagne, pouvant parfois s'échelonner sur près de 1000 mètres, mais aussi par de grandes différences d'exposition de ces terroirs, et par des différences dans la nature des sols que l'on peut rencontrer au sein d'une même montagne à thé. S'ajoute à cela le point crucial mais souvent oublié, qui est la nature des arbres. Derrière l’appellation fourre tout de «variété à grande feuille du Yunnan », se trouve en réalité plus d'une centaine de variétées de théiers, généralement issus de mutation et de croisement naturels, et répartis depuis des temps anciens de telle sorte que la nature des arbres d'une vallée à l'autre peut parfois être sensiblement différents.
La montagne à thé est donc comme c'est souvent le cas en Chine une notion floue et subtile, et les montagnes à thés doivent avant tout leur existences à de complexes alchimies historiques où se mêle terroirs, géographie, politique et histoire locale.
- 1.Le Xishuangbanna dans le Yunnan
- 2.Yi Wu dans le Xishuangbanna
- 3.Trois villages réputés de Yi Wu
- 4.Zone autour du village de Yi Wu
La «montagne » de Yi Wu, dont il est très difficile de trouver la frontière sur une carte, et dont il est interdit en Chine de publier une carte précise, fait ainsi partie des ces complexes montagnes à thé du Yunnan et couvre une zone qui s’étend sur presque 50km du Nord au Sud et près de 38km d'Est en Ouest à son point le plus large, avec des altitudes comprises entre 600m et 1800m et regroupe un certain nombre de villages parfois éloignés les uns des autres tel que Guafengzhai à l'est (15km à vol d'oiseau du village de Yi Wu) ou encore Ding Jia Zhai au Nord (pas loin de 10km à vol d'oiseau du village de Yi Wu).
Si il y'a bien un « caractère » gustatif reconnu des thés de Yi Wu, et un profil que partagent un certain nombre de thés de cette zone, les thés de Yi Wu proposent cependant une belle variété gustatives, issus tout d'abord d'arbre d'ages très différents (de la culture intensive d'arbuste, aux arbres anciens en passant par un certain nombre d'arbres transitifs et les quelques rares arbres sauvages qui persistent encore dans certaines zones de Yi Wu), provenant de différentes variétés de théiers, mais aussi de terroirs distincts.
Avec l'affinement des terroirs et de l'exigence des amateurs, différents villages de Yi Wu ont commencé à être reconnus ces derniers années, et si il y'a quelque temps on parlait de manière générale de « thé de Yi Wu », on met plus aujourd'hui en avant des noms tel que Maheizhai, Gao Shan, Gua Feng Zhai ou encore Ding Jia Zhai, et de plus en plus d'amateurs cherchent le ainsi aujourd'hui le thé provenant des terroirs rattachés à un de ces villages. Les prix des différents villages vedettes de Yi Wu fluctuent d'ailleurs d'année en année, parfois de manière radicale, selon la cote de tel ou tel village et les phénomènes de mode.
- 1.Gao Shan, Maheizhai et Luo Shui Dong
- 2.Vieil arbre à Gao Shan
- 3.Allentours de Maheizhai
- 4.Village de Luo Shui DOng
J’aimerais pour illustrer cela, vous présenter aujourd'hui trois maocha de très haute qualité, récoltés au même moment, provenant des toutes premières feuilles du printemps 2013 d'arbres anciens de trois villages renommés de Yi Wu : Maheizhai, Gao Shan et Luo Shui Dong. J'ai volontairement fait le choix de trois villages très proches, tous situés au sud de Yi Wu à moins de 5km à vol d'oiseau du vieux village de Yi Wu, et non des villages très éloignés les uns des autres tel que Gua Feng Zhai ou Ding Jia Zhai, afin de mettre en évidence les permanences et les différences que l'on peut rencontrer dans les thés de vieux arbres de micro-terroirs aussi proches les uns des autres.
Il ne s'agit cependant pas de dresser un caractère gustatif général de ces trois villages, ce qui demanderait un article beaucoup plus long et beaucoup plus d'exemples, mais plus de voir ce que les premières feuilles de printemps de trois villages peuvent nous raconter à propos de Yi Wu et de leurs terroirs d'origine.
Gao Shan
Nous commencerons notre exploration par un très beau maocha de vieux arbres de Gao Shan. Gao Shan, petit village de 365 habitants est situé à 9km par la route du vieux village de Yi Wu et appartient au groupement de village de ce dernier. Il n'est cependant par véritablement situé sur la même montagne que le village de Yi Wu, et est séparé de celle ci par une petite vallée étriquée, par laquelle passe la route qui permet de rejoindre le village de Yi Wu. Gao Shan est donc en face des autres village de Yi Wu par rapport à la route, perché à 1161m d'altitude sur le versant Est d'une petite montagne qui culmine aux alentours de 1300m. C'est sur ce flanc de montagne, entre 1000m et 1300m que se trouve le gros des arbres anciens rattachés au village de Gao Shan.
La cote de Gao Shan ne cesse de monter ces dernières années, et les prix du thé de Gao Shan dépasse cette année Luo Shui Dong ou Mahei Zhai faisant de Gao Shan le village le plus cher du sud de Yi Wu.
Mahei Zhai
Nous poursuivrons notre visite par un maocha de vieux arbres provenant d'un autre village très réputé de Yi Wu : Mahei Zhai, un petit village de 328 habitants. Situé comme Gao Shan à 9km du vieux village de Yi Wu, Mahei Zhai se trouve au Nord du vieux village de Yi Wu et n'appartient pas au même groupe de village mais possède son propre groupe de village, comprenant notamment Luo Shui Dong dont nous parleront plus tard.
- 1.Village de Maheizhai
- 2.Plaque du village de Maheizhai
- 3.Feuilles de thé séchant à Maheizhai
- 4.Tri des feuilles chez un producteur de Maheizhai
A 1331m d'altitude, Mahei Zhai se trouve sur une sorte de mini plateau sur le versant Nord-Est d'une montagne culminant un peu au dessus des 1500m d'altitude et située au Nord du village de Yi Wu, et est donc séparé de celui ci par cette montagne. Il faut donc par la route contourner la montagne, puis longer le pan Nord en passant par Luo Shui Dong pour atteindre Mahei, à moins d'emprunter le sentier ancien qui franchis la montagne et relie Yi Wu et Luo Shui Dong.
Les arbres anciens de Mahei Zhai sont situés aux alentours direct du village, sur les versant de cette montagne s’étalant de 1200m à 1400m d'altitude.
Luo Shui Dong
De Maheizhai nous allons rejoindre Luo Shui Dong, un très petit village où vivent une trentaine de familles, soit à peine plus de 100 personnes, et où nous finirons notre dégustation. Très proche de Maheizhai, Luo Shui Dong est situé à moins de 2km à vol d'oiseau de celui appartient au même groupement de villages.
- 1.Village de Luo Shui Dong
- 3.Tri des feuilles à Luo Shui Dong
- 4.Feuilles de thé séchant à Luo Shui Dong
Légèrement au Sud-Ouest de Maheizhai, Luo Shui Dong est perché très légèrement plus bas, à 1287m. Si les deux villages se trouvent sur la même montagne, ils sont séparés par un sommet : Maheizhai est placé sur le flanc Nord de la montagne, tandis ce que Luo Shui Dong se trouve sur une sorte de petite cuvette au sommet d'une crête qui pars vers le Sud-Est. C'est cette étonnante cuvette qui vaudra à ce village son nom, évoquant un trou formé par l'eau, mais qui permet aussi l'excellente exposition des jardins de Luo Shui Dong, situés non pas sur un versant bien bien au sommet de la montagne.
Beaucoup plus proche de Maheizhai que ne l'était Gao Shan, nous pourrions nous attendre à plus de similitudes entre ces deux maocha, récoles sur des arbres anciens séparés de quelques kilomètres seulement... et pourtant :
Comparaison et conclusion
Les liqueurs produites par ces trois thés sont proches, que ce soit par leur pureté ou leur limpidité. La liqueur du thé de Gao Shan apparaît cependant comme légèrement plus clair que les deux autres, et celui de Luo Shui Dong comme plus lumineux et intense en couleur.
Le parfum qui s’échappe du couvercle du gaiwan laisse pour sa part bien apparaître les différences entre ces trois maocha. Le thé de Luo Shui Dong apparaît comme nettement plus doux, rond et soyeux que les deux autres thés testés, plus secs mais aussi plus épicés. Parmi eux le thé de Mahei se distingue aussi par une plus grande force, une dimension plus brute et plus épicée que les feuilles de Gaoshan.
Les parfums du thé de Mahei et de Gaoshan partagent indéniablement quelque chose de commun, en particulier une belle dimension épicée, bien que ce soit les villages les plus éloignés de notre sélection.
Face à ces deux thés, le maocha de Luo Shui Dong est clairement à part, incroyablement plus doux, soyeux et lumineux, et particulièrement pénétrant.
On fera un constat sensiblement identique au palais, avec certaines similitudes évidentes entre les Gao Shan et Mahei, notamment dans l'excellent bouquet qui du palais envahis la fosse nasale. Au niveau de ce qui distingue ces deux thés on notera un plus grande force en bouche, plus d'amertume et une dimension plus incisive du thé de Mahei face à celui de Gaoshan.
Comme l'annonçais les parfums, le maocha de Luo Shui Dong se distingue clairement des deux autres, avec un caractère beaucoup plus doux et rond, des d'intenses sensations soyeuses, fines, fluides et moins épicées.
En plongeant son nez dans les effluves du gaiwan, le Mahei apparaît plus profond, le Gaoshan comme plus frais et citronné, et le Luo Shui Dong d'une douceur, d'un parfum et d'un force de pénétration incomparable. Le constat au palais va dans la même direction, avec un Mahei plus masculin la où les Gaoshan et Luo Shui Dong apparaissent plus doux et féminin. Le Luo Shui Dong sort franchement du lot, avec un soyeux, un fruité et un doux tout à fait hors du commun.
Cette différence du thé de Luo Shui Dong face à ces deux autres maocha de Yi Wu est probablement à attribuer en premier lieux à la nature des arbres d'où ces feuilles de thés proviennent. Le caractère de ce thé laisse en effet présager non seulement à des arbres anciens, mais probablement aussi transitifs, c'est à dire entre l'arbre sauvage et l'arbre domestiqué. Si les arbres sauvages manquent souvent d’intérêt gustatif, la nature transitive des arbres fait quand à elle souvent émerger des aromes singuliers particulièrement doux, riches et profonds, tel que ceux qui caractérise ce thé de Luo Shui Dong.
Cela se retrouve en observant les feuilles infusées. Belles et très nervurées, on y lit clairement et pour les trois thés, la qualité des arbres. Les feuilles de Luo Shui Dong présentent cependant des zones aux colorations ocres et rougeoyante, qui laisse à nouveau penser à de l'arbre transitif ou sauvage...
Nous en retiendront différentes choses. Provenant tous trois d'arbres anciens de trois villages proches des montagnes de Yi Wu et récoltés au même moment, ces trois thés partagent bien une certaine permanence gustative, mais savent aussi bien se distinguer et s'exprimer à travers trois caractères bien distincts. Les maocha de Mahei et de Gao Shan possèdent un profil aromatique assez proche, le Mahei se distingue cependant par une plus grande force, plus d'amertume, là où se Gaoshan brille plus par sa complexité et sa dimension épicée. Le thé de Luo Shui Dong goutté est par contre nettement plus atypique, d'une rondeur, d'une douceur et d'une profondeur incomparable.
En ressort tout d'abord les différences que l'on peut noter d'un village de Yi Wu à l'autre, voir au sein d'un même village, d'un jardin à l'autre, ou d'un arbre à l'autre lors de récoltes d'arbres unique. Mais cela met aussi en évidence, comme ces feuilles de Luo Shui Dong le montrent très bien, l'importance de la nature de l'arbre. Si dans le monde du puerh (Pu Er tea) d'arbres anciens l'attention n'est généralement portée que sur le terroir et sur l'age de l'arbre (souvent prétendu ou supposé), et non sur le cultivar comme c'est le cas pour les thés venant de jardins de plantation récente, la variété de l'arbre ancien a bien une grande importance quand au résultat gustatif du thé.
Il est rare que le producteur ou la famille possédant un jardin connaisse la nature des arbres qui y poussent. On recence cependant plus d'une centaine de variétés de théier à grande feuille dans le Yunnan. Issus de mutations et croisement qui ont pris place au fur des siècles, ces différentes variétés se retrouvent répartis en différentes lieux du Yunnan, et peuvent ainsi, souvent plus que le climat ou la nature du sol, définir ou teinter le caractère d'un terroir donné.
A contrario les montagnes à thé ou les villages d'origine des thés n'étant pas des appellations contrôlées comme il en existe par exemple en France pour le vin, et qui imposent dès lors l'usage de certains cultivar en fonction du terroir, on trouvera naturellement de grandes divergence entre les thés d'un même village en fonction de la nature des arbres employés, et on ne sera donc pas surpris de trouver plus de différences entre un jardin transitif de Luo Shui Dong et un jardin de vieille plantation du même village que l'on en trouverait entre des thés de jardins de Yi Wu très éloignés et partageant des conditions naturelles différentes, mais ou poussent des arbres plus semblables.
Photos de couverture et de thés Copyright Sébastien Vacuithé – vacuithe.blogspot.com