Lan Ting Chun, les origines d'un des plus ancien producteur privé du Yunnan
L'histoire de Lan Ting Chun (兰庭春), un des premiers producteurs privés de thé Puerh, est inséparable de celle de Mr. Zhai Guo Ting (翟国庭), son fondateur. Zhai Guo Ting est originaire d'une famille d'agriculteurs de Yongde, dans la région de Lincang. En 1983, à l'issue de son service militaire, il rentre à Yongde, décidé à ne pas travailler la terre avec sa famille, mais à fonder sa propre carrière. Il commencera pour cela à travailler comme ouvrier dans la construction, visitera ainsi de chantier en chantier différentes régions chinoises et se rendra pour la première fois à Guangzhou. Malgré un salaire très modeste, il réussira pendant ces trois années à mettre de coté de quoi démarrer son projet.
- 1.Mr Zhai Guo Ting en 2010
- 2.Le Yunnan par rapport à la Chine
- 3.Lincang par rapport au Yunnan
- 4.Yong De par rapport au Yunnan
En 1986, le marché chinois, jusque là exclusivement géré par l'état, s'ouvre partiellement. A la fin de l'année, Zhai Guo Ting quitte travail et amis et part tout d'abord à Kunming, la capitale du Yunnan, puis à Guangzhou qui devient une des grosse place du commerce chinois, afin d'étudier les nouvelles opportunités promises par cette ouverture du marché. Il y découvrira le fossé entre les prix du thé pratiqués à Guangzhou face au prix du marché local de Yongde, et de retour à Yongde, décide de se lancer dans le commerce du thé.
En 1987, alors que l'économie du thé bat passablement de l'aile et que les prix sont au plus bas, Zhai Guo Ting trouve sur le marché de Yongde un stock de près de 8000,kg de mao cha à seulement 0.4 RMB () le kilogramme. C'est pour lui l'opportunité rêvée pour commencer son projet: il achète ces 8000 kg de thé et commence à se mettre en quête de clients. Trois mois après il revendra le stock complet à un client de Yunxian pour 1.5 RMB () le kilogramme, faisant un bénéfice de près de 9000 RMB () ce qui concrétisera à ses yeux son projet de carrière dans le thé.
Durant 4 ans, Zhai Guo Ting continuera ainsi à acheter et revendre du mao cha. La Chine est alors dans une période relativement floue et contradictoire. Bien que officiellement interdit, de plus en plus s'orientent vers le commerce privé "sous le manteau" (voir Entretien avec Chen Sheng He). Le thé qui devait officiellement passer par les voies de distribution d'état et qui était acheté aux paysans 0.5 RMB () pouvait se retrouver sur le marché de Guangzhou à 3.5 RMB (), et constituait une plus-value très attirante pour de jeune entrepreneurs, malgré la relative illégalité de ce commerce et les dangers que cela pouvait représenter.
- 1.Zhai guo ting dans un jardin de Yong De, Lincang
- 2.Petit chemin entre les jardins de Yong De, Lincang
- 3.Zhai Guo Ting gouttant et achetant du maocha à un petit paysans local
En l'interrogeant sur les risques encourus, Zhai Guo Ting nous raconte une anecdote sur les paradoxes dans lequels cette période était plongée. Une fois qu'il envoyait quatre camions de thé de Yongde à Guangzhou, deux personnes du gouvernement interceptent le convoi et l'arrêtent. La première, estime qu'il s'agit d'un trafic illégal et qu'il faut arrêter voitures et chauffeurs. Le seconde, du secteur des taxes, propose simplement que soit payées les taxes d'état sur la cargaison, comme si il s'agissait d'une production d'état, ce qui lui permettrait de résoudre un problème en suspens de taxes avec l'usine nationale Yongde Factory (disparue aujourd'hui). Zhai Guo Ting gardera depuis de très bonnes relations avec le directeur de Yongde Cha Chang. Quelques années plus tard c'est notamment l'atelier Lan Ting Chun qui permettra à Yongde Cha Chang de boucler ses missions et rentrer dans les objectifs d'état..
En 1991, après 4 ans passé à acheter et revendre du maocha, Zhai Guo Ting a l'occasion de louer un atelier de traitement primaire des feuilles à l'abandon dans le village de Manggang (忙崗村). Il investit plus de 4000 RMB () pour restaurer le lieu et l'équipement, et y produira plus de 30 Tonnes en 1992, l'usine Lan Ting Chun était née.
- 1.Paysage verdoyant à Yong De, Lincang
- 3.Cueillette des arbres à thé à Yong De
- 4.Cours de l'usine Lan Ting Chun, une ambiance familiale
Zhai Guo Ting retourne alors à Guangzhou où il remplit progressivement son carnet d'adresse de clients. En 1993 il conclut sa première vente de 150 Tonnes, qui marquera avec succès son entrée avec Mr. Yao Tian Lai (姚天來) sur le marché au thé de Guangzhou. Zhai Guo Ting y mettra à profit, non seulement sa connaissance du marché, mais aussi son savoir du thé et le réseau de paysans et producteurs qu'il s'est progressivement forgé à Yong De. L'année suivante il fait à Kunming sa première tentative dans le puerh (Pu Er tea) avec une trentaine de Tonnes de Mao Cha. Malheureusement les 25 Tonnes de production finale arrivent à un mauvais moment pour le marché de Kunming où la demande ne suit pas. Face aux prix imposants des frais de stockage, il est contraint de revendre à perte 20 Tonnes, ce qui lui coûtera 150000 RMB (), et ramène les 5 Tonnes restantes à Yongde en attendant des jours meilleurs.
1996 est un nouveau tournant pour l'ouverture du marché privé du thé en Chine. Confiant dans l'avenir, Zhai Guo Ting fonde progressivement son entreprise à Yongde, à partir du savoir et de la connaissance du marché qu'il s'est forgé depuis maintenant 10 ans. En 1999 il achète l'équipement nécessaire pour presser ses propres galettes et commence par presser les maocha qu'il accumule depuis 1994. Vendues en 2000 pour seulement 20 RMB () la galette, le prix de ces thés monte vite en flèche avec les années et ces premières galettes de Lan Ting Chun sont aujourd'hui pratiquement introuvable hors des étagères des collectionneurs.
Parmi elles, une galette de puerh (Pu Er tea) fermenté, millésimée 1996, qui figure dans les premières galettes commercialisées par Lan Ting Chun. Bien que l'on trouve sur l'emballage un tampon se référant à l'année de production, fait rare avant 2006 (96 06 28 pour le lot que je possède) , et bien que le thé qui la compose date bien de 1996 ces galettes ont étés compressées en 1999 et sont les premières à sortir des presses de Lan Ting Chun. Il s'agit d'un des premiers lots de fermentation de Lan Ting Chun et ces galettes sont aujourd'hui pratiquement introuvables. La galette goûtée a été conservée jusqu'à ce jour dans le stock personnel du producteur, à Yongde, et est donc le fruit d'une lente maturation en condition sèche. Les 15 ans d'âge de cette galette, et ses conditions de stockage sont d'autant plus importants du au type de fermentation légère de ce thé qui laisse ainsi une large place à la maturation post fermentation, dont il a su tirer le meilleur parti.
Dans la même période que les premières galettes de Lan Ting Chun, j'ai aussi pu goûter une des premières galettes de puerh (Pu Er tea) brut de ce producteur, une Chi Tse Beeng Cha de 1999. Fidèle à ce qui se faisait en ce temps, la galette n'a ni nom, ni référence, et seul Chi Tse Beeng Cha, "Sept Galettes Fils du Yunnan" figure sur l'emballage. On y retrouve un puerh (Pu Er tea) brut de qualité, et qui a su tirer un très grand parti de 10 ans de maturation à Yongde, dans le stock personnel du producteur.
Pour poursuivre notre dégustation des premières galettes de ce producteur, j'aimerais vous présenter une autre Chi Tse Beeng Cha de puerh (Pu Er tea) brut produite par Lan Ting Chun, mais du millésime 2000. Bien qu’ un an seulement sépare la production de ces deux thés, qui ont par ailleurs probablement été pressés la même année, ces puerh (Pu Er tea) ont des caractères bien distincts.
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Chi Tse Been Cha Lan Ting Chun 1999 vs. Chi Tse Been Cha Lan Ting Chun 2000
En observant les galettes maintenant, on remarque que les feuilles du millésime 2000 sont sensiblement plus sombres que celles de 1999, ce qui semblerait annoncer une maturation légèrement plus rapide. Mais ce qui est surtout remarquable est la différence de compression des feuilles. Alors que la galette de 1999 est très compressée, celle de 2000 est compressée de manière beaucoup plus légère, ce qui effectivement lui conférera une maturation plus rapide et homogène.
Les parfums qui se dégagent de ces deux galettes sont eux aussi bien différents. Le millésime 2000 apparaît comme nettement plus rond et chaud que son prédécesseur. Les touches fraîches pouvant renvoyer à l'eucalyptus, bien que présentes dans ces deux thés, semblent ainsi moins marquées dans la galette de 2000 que dans celle de l'année précédente.
La liqueur de la galette de 2000, plus pure et limpide que celle de 1999 est aussi nettement plus sombre laissant une fois encore apparaître une maturation plus avancée. Si, au goût, les deux thés sont emplis de touches fraîches typiques des thés de cet âge, le millésime 2000 apparaît comme plus doux, rond et chaud en bouche là ou son prédécesseur est plus discret et clair. Au premier abord le thé de 2000 semble ainsi plus riche et entier, avec une présence peut être plus facile. A contrario son prédécesseur, bien que moins exubérant brille peut être par une caractère plus centré, une impression plus accrue de finesse et de pureté.
Sur une même base et des caractères qui se rapprochent, ces deux thés apparaissent cependant comme bien distincts, s'exprimant respectivement dans le clair et le lumineux pour la galette de 1999 et quelque chose d'éminemment plus sombre et lourd pour le millésime 2000.
Une autre galette de puerh (Pu Er tea) brut particulièrement intéressant produit par Lan Ting Chun la même année, est une galette nommée Lao Sheng Cha, qui marque d'une certaine manière la prise d'indépendance et l'affirmation de Lan Ting Chun face aux grands producteurs nationaux.
Mais Zhai Guo Ting ne se contente pas de passer du maocha à la galette. De l'autre coté de la chaîne Lan Ting Chun investit dans le terrain, avec le projet de ne pas uniquement travailler les feuilles fraîches des paysans mais de produire son propre thé à partir de l'arbre, notamment afin d'augmenter le contrôle et la qualité du produit. Il loue ainsi près de 70 hectares de terrain dans la montagne Mingfeng (鳴鳳山) à laquelle personne ne s'intéressait à ce moment et y plante entre 2000 et 2001 plus de 40 hectares de jardins écologiques.
- 1.Montagnes verdoyantes de Yong De
- 2.Fragment du jardin à thé de Lan Ting Chun
- 3.Grand arbres à thé dans le jardin de Lan Ting Chen
- 4.Zhai Guo Ting dans son jardin écologique de Mingfeng
Pour Zhai Guo Ting c'est, non seulement, une sorte de consécration, mais la première étape de son rêve qui prend forme: il possède désormais son propre jardin à thé, sa propre usine, un réseau stable de clients et un réseau de vente qui dépasse largement Kunming et Guangzhou et s'étend désormais jusqu'à Taiwan et au Japon en passant par la Birmanie, Beijing et Hong Kong. Mais Lan Ting Chun ne se contente pas de cela et en ce début de siècle où les nouveaux producteurs de puerh (Pu Er tea) émergent comme des champignons, l'objectif est de s'agrandir. Pour cela, quatre principaux axes, qui sont l'accroissement de la production, l'agrandissement progressif du jardin biologique de Mingfeng, le perfectionnement des techniques de production et de fermentation, et le développement de la promotion du thé de cette région.
Ces objectifs, sur lesquels Zhai Guo Ting investit toute son énergie et une grosse partie des bénéfices de son entreprise, prendront partiellement forme jusqu'au crash économique de 2008. Le jardin biologique notamment, qui se retrouve labélisé BIO, passe de 40 hectares à plus de 100 hectares, tandis que l'usine et l'équipement sont à plusieurs reprises réadaptés pour toujours accroître la qualité du thé et pourvoir répondre à une demande pouvant atteindre 1000 tonnes. Lan Ting Chun reçoit, en retour, de nombreux prix pour la qualité de ses produits et l'homme, qui depuis le début est derrière, Zhai Guo Ting, est progressivement reconnu comme un grand expert dans la fermentation du puerh. Il formera notamment bon nombre d'autres producteurs de la région, qui encore aujourd'hui viennent lui demander conseil sur la qualité de leurs produits.
Ces années furent probablement la meilleure période pour Lan Ting Chun et Zhai Guo Ting, profitant de l'incroyable croissance de la demande et des prix du puerh (Pu Er tea) du début du siècle pour développer à grande échelle son projet et concrétiser ses rêves... jusqu'au drame de la fin de l'année 2007.
Lan Ting Chun, un producteur au coeur du cataclysme de 2008
La violente chute du cours du puerh (Pu Er tea) à la fin de 2007, qui clôtura près de 5 ans de flambée des prix marqua en effet gravement le Yunnan. Ce fut une véritable tragédie pour Lan Ting Chun comme pour bon nombre de producteurs de puerh (Pu Er tea) et d'usines, en particulier celles de tailles moyennes qui furent le plus touchées et pour lesquels cela se solda souvent par la faillite et la fermeture.
Voyant leurs revenus décuplés entre 2003 et 2007, de nombreux producteurs de taille moyenne et des petites usines ont en effet suivi cette tendance en réinvestissant continuellement leurs nouveaux revenus: C'est une période en pleine extension pour le monde du puerh (Pu Er tea) où un peu partout on construit et agrandit des usines, on emprunte, on achète du terrain, on acquiert de nouveaux équipements, on stocke du mao cha, on investit, de manière à décupler ses capacités de productions et de pouvoir suivre le marché qui s'emballe.
Fin 2007 la bulle spéculative qui tient cette croissance démesurée explose, la demande pour de jeunes thé devient soudain quasi inexistante et les prix du puerh (Pu Er tea) chutent dramatiquement entraînant avec eux bon nombre de producteurs et d'usines. Pour les paysans et petits producteurs ce fut la fin des années folles, où les revenus pouvaient doubler d'une année sur l'autre, laissant cependant ces derniers dans une situation très confortable, les prix, bien que largement inférieurs à 2007, restant tout de même très élevés (généralement au delà même de ceux de 2006!). La situation fut par contre bien plus dramatique pour les producteurs plus importants qui se retrouvent en 2008, souvent endettés par leurs récents investissements, avec en main des usines flambant neuves aux capacités de production devenues démesurées face à la demande, et surtout d'énormes stocks de thé ne valant plus rien et dont personne ne veut.
C'est précisément le scénario catastrophe qu'a vécu Lan Ting Chun. Avec la fantastique montée de la demande, l'usine se modernise à plusieurs reprise entre 2003 et 2007, les bénéfices sont immédiatement réinvestis, les stocks de matériau brut et la production de Lan Ting Chun décuplés jusqu'à atteindre 700 tonnes annuelles en 2006. Les Jeux Olympiques à l'horizon encouragent encore la confiance du marché, incitant les producteurs à produire au delà de la demande pour accroître leurs stocks dont la valeur part en flèche ce qui semblait alors un investissement judicieux.
Pour Zhai Guo Ting, qui dirige seul et avec succès la barque de Lan Ting Chun depuis 20 ans c'est l'effondrement. Là où la veille était encore emplie de réussite et de confiance, c'est la faillite et la fermeture qui soudain pointe à l'horizon. Résolu à ne pas arrêter là, Zhai Guo Ting, malgré les 1200000 RMB () qu'il aura perdu en 2008, revend aux plus vite son stock pour une bouchée de pain, mais aussi ses quatre voitures et sa propre maison afin de sauver au mieux les frais.
Éprouvé, Zhai Guo Ting qui n'a pas baissé les bras et aura sauvé son entreprise et son usine, y aura laissé beaucoup de lui même. En 2007, de retour de Kunming où il se rend pour aller chercher un prix pour un de ses thé, il tombe malade, et sombre progressivement dans un sentiment s'abattement qui le ne le lâchera plus. Depuis, l'usine continue de fonctionner comme elle l'a toujours fait mais au ralenti, produisant tout de même 400 Tonnes de thé l'an passé, dont 350 de puerh. Bien que cela reste une production annuelle tout à fait honorable et que les thés sortis de l'usine ces dernières années soient de très grande qualité, l'optimisme et l'atmosphère qui y règnent ont pris un sérieux coup. Loin des rêves d'expansion, de développement et d'avenir glorieux, on y travaille surtout désormais à éponger progressivement les dettes du passé.
La boutique de Lan Ting Chun, qui servait à Yong De de vitrine à la marque semble plus symbolique qu'autre chose et s'est partiellement reconvertie en salon de thé. Un peu partout la peinture a jauni, les affiches se décollent, les étagèrent se couvrent de poussière. Dans cette atmosphère d'abandon et de résignation seule une chose n'a pas changé: le thé qui éblouit toujours par sa richesse et sa qualité.
Lan Ting Chun aujourd'hui, une excellence méconnue
Si Zhai Guo Ting, à 55 ans, est bien reconnu comme un des grand expert du puerh (Pu Er tea) et notamment de la fermentation, domaine dans lequel il excelle, et bien qu'il ait reçu de nombreux prix et qu'il apparaisse dans différents ouvrages de référence sur le puerh, Lan Ting Chun est aujourd'hui une marque largement méconnue sur le marché. Depuis la chute de 2008, Zhai Guo Ting a abandonné toute réelle communication pour se concentrer sur l'essentiel, le thé, et se base principalement sur son réseau de clients existant pour distribuer ses productions. Loin de la grande époque où l'on pouvait trouver les galettes Lan Ting Chun dans les boutiques pointues de Taiwan, Hong Kong ou même du Japon, ces thé sont désormais presque introuvables sur le marché. Ils se révèlent pourtant d'une richesse et d'une qualité tout à fait remarquable.
- 1.Zhai Guo Ting face à l'après crise du puerh
- 2.Quelques thés célèbres de Lan Ting Chun
- 5.Dégustation de thés chez Lan Ting Chun
Lan Ting Chun, dont l'usine emploie 25 personnes auxquelles s'ajoutent une centaine de personnes pour la récolte du thé, a ainsi produit, l'an passé, près de 400 tonnes de thé, dont 350 tonnes de puerh (Pu Er tea) et une trentaine de tonnes de thé noir. Parmi eux et à coté des quelques produits que Lan Ting Chun a au catalogue, se trouve plus d'une vingtaine de galettes différentes, majoritairement produites pour des commandes privées. Qu'est ce qui diffère entre ces galettes, de la même région et produites par le même producteur?
En terme de fermentation, les galettes Lan Ting Chun jouent pleinement de la palette de caractères que peut faire émerger une fermentation maîtrisée, et s'y associent avec réussite divers grades et intensités de fermentation. Pour les puerh (Pu Er tea) bruts, on y trouve divers assemblages fins aux caractères variés provenant de différents jardins de la région, du propre jardin de Lan Ting Chun ou de maocha issus de différents petits producteurs avec qui Lan Ting Chun travaille depuis longtemps.
C'est par exemple le cas d'une des grandes référence du catalogue Lan Ting Chun, une galette de puerh (Pu Er tea) brut des premières récoltes de printemps de la montagne Ming Feng, dont le maocha est chaque année sélectionné et assemblé par Zhai Guo Ting et dont voici les retours du millésime 2010.
Si tel que le montre cette galette, les thés sourcés et assemblés par Lan Ting Chun peuvent être d'une grande qualité, les produits les plus prestigieux sont probablement ceux provenant du propre jardin à thé écologique de Zhai Guo Ting.
Un jardin d'exception
Parmi les différents thés produits par Lan Ting Chun, les plus intéressants sont sans aucun doute ceux qui proviennent des propres arbres de ce producteurs. Lan Ting Chun a, comme nous l'avons vu, commencé à racheter du terrain dans les hauteurs de Mingfeng et à planter un nouveau jardin à thé écologique à partir de 1999. Initialement d'un peu moins de 66 hectares, dont 40 ont étés plantés par Lan Ting Chun, ce jardin s'étend aujourd'hui sur une centaine d'hectares. Il s'agit pour la plus grande part de ce que l'on appelle un jardin écologique, c'est à dire où les arbres y sont plantés, à la manière des jardins à thé antiques, de sorte à respecter la nature et l'environnement dans lequel ils s'épanouissent. Les arbres y sont notamment plus espacés et moins taillés que dans des cultures en terrasses (tai di).
- 1.Fragment du jardin à thé Lan Ting Chun
- 3.Arosage automatique en pleine montagne
- 4.Arbres à thé et grande biodiversité
- 5.Arbres à thé dans le jardin Lan Ting Chun
Les arbres à thé de Zhai Guo Ting, touffus et robustes poussent ainsi dans la brume et entre une variété d'autres plantes, notamment des sapins très présents dans la montagne Mingfeng dont le climat est largement plus frais et sec que ce que l'on trouve par exemple dans le Xishuangbanna. Bien que, de loin, les pans les plus denses peuvent faire penser à des tai di, il suffit de s'en approcher et de sillonner entre les arbres pour noter la différence: des arbres touffus et peu taillés, visiblement récoltés avec parcimonie, un sol laissé à lui même sans la moindre trace de désherbage, une végétation avoisinante variée et prospère.
En sillonnant entre les théiers, les sapins, et la multitude d'autres arbres qui poussent dans le jardin de Lan Ting Chun on entre dans la plus belle zone, où poussent 3,3 hectares de vieux arbres d'une beauté et d'une densité hors du commun.
De quelques mètres de haut ces derniers prennent l'allure de buissons géants d'un vert vif, et croulent véritablement sous les feuilles. En les observant de loin on peut se laisser aller à y voir d'immenses champignons verts et à la chaire spongieuse qui auraient jaillis brutalement du sol. En s'approchant plus on est progressivement dominé par l'envergure de ces arbres, qui petit à petit emplissent l'ensemble du champ de vision et semblent promettre d'engloutir celui qui s'approchera d'avantage. Leur densité est telle qu'il faut se contorsionner pour franchir la carapace verte de l'un de ces arbres, s'engouffrer dans son antre, et atteindre dans la pénombre qui y règne le tronc tortueux duquel s'échappe un dense réseau de branches.
Le thé issu des jardins de Lan Ting Chun est à la hauteur de la beauté des arbres qui y poussent. Notamment une des galette les plus prestigieuse que Lan Ting Chun produit chaque année, nommée Pu Erh Biologique de Ming Feng 鸣凤山有机茶 (le thé est labélisé BIO), dont j'ai goûté pour vous les millésimes 2007 et 2010.
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Lan Ting Chun Biologique 2007 vs. Yongde Zi Yu Ming Feng Sheng 2006
L'apparence des galettes est proche, que ce soit au niveau de l'aspect des feuilles ou de leur compression. La surface de la galette produite par Zi Yu apparaît cependant légèrement plus sombre que la galette Lan Ting Chun. Cette dernière est en effet visiblement composée de feuilles plus jeunes (plus petites) et s'y trouve une plus grande proportion de bourgeons.
Les liqueurs des deux thés sont totalement similaires, que ce soit au niveau de leur teinte ou de leur pureté. Les parfums, après humidification, sont eux aussi très très proches bien que celui de la galette produite Lan Ting Chun possède quelque chose de plus intense et profond.
Le constat est sensiblement le même lors des premières infusions: des goûts très proches, presque identiques, avec cependant des notes qui semblent un peu plus rondes et douces pour la galette de Lan Ting Chun.
Celà se confirme et s'amplifie avec les infusions suivantes. Si, au goût, ces deux thés semblent presque identiques, la liqueur du thé de Lan Ting Chun a quelque chose de plus doux, fluide et moelleux en bouche. Ce n'est pas tant dans le goût que cela ce passe, mais plus dans la manière où la liqueur glisse sur la langue et le palais, dans sa consistance. De même qu'un thé peut produire une liqueur différente selon la théière avec laquelle il est infusé, cette galette de Lan Ting Chun caresse langue et palais tout en rondeur, là ou son homologue produite par Zi Yu est plus cassante, sèche.
Surtout présent dans la forme de la liqueur, cela s'affirme avec les infusions au niveau du goût. Au fur et à mesure que l'arôme prend de l'ampleur la galette Lan Ting Chun apparaît comme plus ronde, soyeuse et harmonieuse que sa concurrente.
Ces nuances sont cependant particulièrement subtiles, et si elles sont ici mises en évidence par une dégustation comparée en parallèle, ces thés restent très proches, et un palais non entraîné les confondra sans aucun doute.
Si Lan Ting Chun a bien pressé une édition 2011 de cette galette, parfaitement fidèle aux millésimes précédents cette superbe production c'est bien malheureusement arrêtée en 2012. Les coûts de la labellisation BIO du jardin sont notamment trop élevés, or c'était la spécificité de cette galette au sein des productions Lan Ting Chun, et le producteur ne voit plus d’intérêt dans cette situation de presser indépendamment ce jardin, qui se retrouvera dès lors assemblé avec d'autres jardin dans sa nouvelle galette de Ming Feng 2012 que voici.
Cette année Zhaiguoting a aussi rajouté un nouveau thé au catalogue, le Da Xue Shan Lao Shu. Ce thé ne provient pas du jardin du producteur, ni même de Min Feng mais de Da Xue Shan, le terroir des galettes de théiers sauvages de Lan Ting Chun, mais cette fois d'arbres plus conventionnels et gustativement plus proches de jeunes puerh (Pu Er tea) bruts. Il s'annonce comme un des meilleurs thés 2012 de ce producteur, si ce n'est le meilleur..
Une parfaite maîtrise de la fermentation
Outre les puerh (Pu Er tea) brut, produits à partir de ses propres théiers ou de maocha provenant des différents terroirs de Yongde, une des grande spécialité de Lan Ting Chun et sur laquelle repose largement sa reconnaissance est le puerh (Pu Er tea) fermenté. La fermentation du puerh (Pu Er tea) constitue notamment l'activité principale de l'usine Lan Ting Chun durant tout l'automne. Avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, Zhai Guo Ting est considéré comme expert dans le domaine et de nombreux producteurs de Lincang ont étés formés à ses cotés ou ont bénéficié de ses conseils.
- 1.Fermentation du puerh (Pu Er tea) à l'usine Lan Ting Chun
- 4.Echantillon fraîchement fermenté à l'usine Lan Ting Chun
Au cours des dix dernières années Zhai Guo Ting aura ainsi beaucoup expérimenté sur les techniques de fermentations, non seulement de manière à produire de bons puerh (Pu Er tea) fermentés selon les standards du domaine, mais aussi sur l'art d'exploiter le potentiel de la fermentation artificielle du puerh (Pu Er tea) afin de sculpter le caractère des feuilles et faire jaillir des arômes nouveaux.
Zhai Guo Ting est notamment adepte des fermentations légères, telles qu'elles se faisaient dans le passé. Selon lui la meilleure durée durant laquelle les feuilles doivent rester dans la pile afin de fermenter est entre 18 et 20 jours là où de nombreux producteurs poussent la fermentation entre 30 et 45 jours. De telles fermentations légères lorsqu'elles sont maîtrisées produisent des thés plus fins et, en laissant de la place à la maturation ultérieure, favorisant les capacités de bonification de ces thés.
De même, et bien que Lan Ting Chun produise un certain nombre de grades fins (gong ting, purs bourgeons, etc), Zhai Guo Ting privilège, généralement, pour la fermentation, une variété de grades élevés, pouvant inclure outre les bourgeons, les cinq feuilles suivantes. Ces dernières, en restant plus longtemps sur l'arbre, perdent une part de leur amertume et permettent l'émergence de meilleurs arrières goûts.
Le catalogue Lan Ting Chun renferme ainsi une variété de puerh (Pu Er tea) fermentés aux caractères très singuliers et dans lesquels figurent de véritables perles. J'ai sélectionné pour vous quelques exemples de ces thés particulièrement appréciables, à commencer par une galette au nom de Shui yu cha xiang, qui constitue une des plus grande référence de Lan Ting Chun en terme de puerh (Pu Er tea) fermenté.
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LanTingChun ChiTseBeengCha 96 vs. LanTingChun ChiShuiYuChaXiang 2010
A l'odeur déjà la différence de ces deux galettes se fait clairement sentir. Le millésime 1996 est nettement plus sobre, sourd, poudreux, tandis ce que se dégage du 2010 des parfums beaucoup plus fruités et lumineux.
Le goût poursuit et intensifie largement cette tendance. La galette de 2010 est plus intense, plus riche et plus complexe, et perd du même temps la sobriété et une certaine subtilité qui fait la valeur et le charme de son ancêtre. Sans tomber non plus dans le vulgaire, loin de là, la fermentation de 2010 tape plus à l'oeil, est plus originale, excentrique, charmera par sa propension à se répandre dans toutes les directions, là ou le millésime 1996 joue sur une simplicité, un minimalisme tout en profondeur.
Cette galette de 1996 rappelle une vision passée de la fermentation du puerh, un temps ou les thés âgés et le stockage humide de Hong Kong étaient encore des références, là ou la production 2010 de Lan Ting Chun fait clairement un usage plus créatif de la fermentation du puerh, explore avec maîtrise ce que cette technique permet et le potentiel qu'elle offre à sculpter dans la feuille de thé des arômes nouveaux.
En ce sens on pourrait dire que millésime 1996 regarde encore vers Hong Kong et Guangzhou tandis ce que le 2010 est profondément ancré dans le Yunnan.
A la question des grandes différences de caractères entre les millésimes fermentés produit par Lan Ting Chun au long des 15 dernières années Zhai Guo Ting répond de manière très naturelle: Loin d'avancer un changement d'approche, un positionnement différent par rapport à l'histoire du puerh (Pu Er tea) fermenté ou au marché, Zhai Guo Ting évoque une approche très personnelle de la fermentation. Depuis ses débuts, ce qui l'a motivé et dirigé c'est avant tout ses goûts personnels, auquel il croit et sur lesquels il base son propre jugement. Ainsi il a toujours pratiqué la fermentation selon ses goûts, ses envies, sa vision du moment... et si le caractère de ses produits a changé en 10 ans, c'est pour lui que ses propres goûts ont changés.
On note ainsi des caractères bien distincts dans ses productions à quelques années d'intervalle, mais on en trouve aussi au sein même des production de la même année, chaque puerh (Pu Er tea) produit par Lan Ting Chun ayant en général un caractère unique.
Une autre galette particulièrement intéressante et qui illustre bien cela est un gong ting (宫廷普洱) produite comme la galette précédente (Lorsque l'eau et le thé se rencontrent) en 2010. Elle diffère grandement de cette autre galette fermentée de 2010, tout d'abord par sa recette intégralement composée de grade fins (bourgeons, premières feuilles), mais aussi et surtout par son caractère singulier et radicalement différent des autres productions Lan Ting Chun de cette même année.
Deux ans plus tard en 2012, Zhaiguoting a à nouveaux produit deux fermentations particulièrement intéressantes, de grande qualité et qui savent se distinguer des galettes précédentes.
Sans que ce soit inscrit sur l'emballage des galettes, les feuilles qui les composent ne proviennent pas de Yong De, et même pas du Yunnan, mais de Birmanie. La région de Yong De où est basé Zhaiguoting est en effet à quelques kilomètre seulement de la frontière Birmane, et bien que ce soit pas nécessairement tout à fait légal, il est relativement aisé d'importer des feuilles de Birmanie, ce qui n'est pas sans rappeler les débuts de Zhaiguoting dans le commerce du thé.
Ces feuilles furent ensuite fermentés par Zhaiguoting dans son usine de Yong De puis assemblées pour produire deux thés fermentés aux caractères radicalement différents. Le premier nommé Da Hong Yin, grande marque rouge, est très classique. A la manière des puerh (Pu Er tea) fermenté des années 80 ou du début des années 90, il renoue avec les premiers thés fermenté de Zhaiguoting et joue de manière incroyable avec les arômes de vieux puerh.
Le second cru fermenté de 2012 est nommé Gu Shu Cha Wang, le roi des grands arbres. Contrairement au thé précédent, qui pouvait rappeler des puerh (Pu Er tea) fermentés du passé on est là dans quelque chose de très contemporain, particulièrement pur et lumineux.
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Da Hong Yin 2012 vs. Gu Shu Cha Wang 2012
Le parfum qui se dégage des feuilles sèches apparaît comme nettement plus profond pour la Da Hong Yin que pour la Gu Shu Cha Wang. La liqueur de cette dernière est par contre nettement plus sombre et rouge.
Une fois infusées le parfum produit par les feuilles de ces deux galettes s'annonce radicalement différent. Le Da Hong Yin est poudreux, boisé, rappelle la charpente d'un vieux grenier, joue des arômes de vieux shu cha. A coté de cela le Gu Shu Cha Wang apparaît comme beaucoup plus centré, rond, lumineux et soyeux.
Ces deux caractères se retrouvent parfaitement au goût, avec un Da Hong Yin plus vaporeux et qui joue des parfums comme de la fumée, et un Gu Shu Cha Wang plus fruité et replié en bouche.
On retrouve en quelque sorte à travers ces deux thés les deux « écoles » face à la fermentation, avec un Da Hong Yin très old scool qui joue du coté poivré et satiné des vieux thés, et un Gu Shu Cha Wang résolument plus contemporain, libéré des références aux stockage Hong Kongais et qui affirme une nouvelle approche de la fermentation.
Des spécialités peu courantes
Enfin, outre dans les grands classiques que nous avons survolés, assemblages bruts et fermentés où Lan Ting Chun excelle et innove, ce producteur possède aussi quelques produits moins courants, et dans lesquels se trouvent de très bonnes surprises. Parmi eux un thé produit à partir de véritables arbres sauvages de Daxueshan (de Yongde), ou encore un pur bourgeon fermenté maison tout à fait surprenant.
- 1.Bourgeons de véritables arbres sauvages de Yong De
- 3.Galette de pur bourgeons fermentés Lan Ting Chun
- 4.Comparaison de deux galette de bourgeons fermentés Lan Ting Chun
Bien que "arbre sauvage" soit une appellation que l'on retrouve sur un certain nombre de puerh, elle est dans la quasi totalité des cas abusive, et le thé provenant d'arbres sauvages est plus rare que les vendeurs veulent bien nous le faire croire. Il existe cependant bien dans le Yunnan des arbres à thé dits sauvages, c'est à dire non plantés par l'homme. Souvent millénaires, ces arbres poussent généralement au beau milieu des forets dans des zones montagneuses assez reculées et difficiles d'accès. Bouturés depuis des temps très anciens par les minorités locales, ils ont donné naissance aux différentes jardins à thé plantés par l'homme, dont certains datent de près de 1000 ans et à partir desquels on confectionne le thé puerh.
Les véritables arbres sauvages restent pour leur part assez peu exploités, pour différentes raisons. Souvent perdus au milieu de forêts leur accessibilité est difficile, voire parfois dangereuse. S'ajoute à cela la taille conséquente de ces arbres et une forme peu propice à les escalader, rendant dès lors la cueillette périlleuse. De plus, face à certains abus, notamment la coupe d'arbres millénaires pour les dépouiller de leurs feuilles, la récolte des arbres sauvages, souvent situés dans des réserves naturelles, est partiellement interdite. Enfin l'arôme de telles feuilles est particulier. Si on peut lui trouver une grande richesse il s'éloigne de ce que les standards du puerh (Pu Er tea) ont posés comme critères de qualité et auquel les arbres de vieille plantation répondent mieux. La demande pour le thé d'arbre sauvage ne se trouve dès lors pas assez grande pour justifier la complexité de sa production.
Derrière ce qui est vendu comme arbre sauvage se trouve alors, dans le meilleur des cas, des arbres de vieille plantation parfois multi centenaires, ou dans le cas contraire des thés de culture intensive sans le moindre rapport avec des théiers sauvage au delà du nom inscrit sur l'emballage. On trouve un certain nombre d'arbres sauvages à Yongde, situés dans la foret de Dashueshan dont le sommet culmine à 3500m. Pour s'y rendre il faut aller à Wumu Long (乌木龙), puis prendre la route de la montagne jusqu'à son terme. Ensuite un petit chemin s'enfonce dans la forêt, qu'il faut emprunter sur un certain nombre de kilomètres avant de rencontrer les doyens des théiers du Yunnan. Après s'y être rendu à différentes reprises, Zhai Guo Ting à ainsi commencé à presser des productions restreintes de ce thé rare, dont voici le millésime 2010.
comparatif
Arbres sauvages Lan Ting Chun 2010 vs. Arbres sauvages Shuangjiang Mengku 2010
Si ces deux galettes proviennent bien de la même région, Lincang, et sont annoncées comme provenant de la montagne Da Shue, (大雪山), il ne s'agit cependant pas de la même montagne. La galette de Shuangjiang Mengku provient en effet du Da Shue Shan de Mengku, tandis ce que celle produite par Lan Ting Chun vient du Da Shue Shan de Yongde dans une circonscription voisine.
La surface de ces deux galettes présente de très beau entremêlements de feuilles. En y portant son nez, la galette produite par Lan Ting Chun laisse échapper un parfum plus intense, rond, fruité et profond, là où la galette de Mengku ne dégage que peu d'odeur. A l'oeil on remarque immédiatement de grandes différences. La galette de Yongde (Lan Ting Chun) apparaît en effet comme nettement plus colorée que sa soeur de Mengku: On y remarque notamment une grande proportion de bourgeons jaunes, typiques de certains théiers sauvages, là où la galette de Mengku apparaît comme plus mate, verte et unie.
A l'infusion les liqueurs sont très proches. Si toutes deux sont très pures et lumineuses, celle de Lan Ting Chun présente cependant un très léger trouble face à sa concurrente.
Le parfum de ces galettes illustre parfaitement leurs aspects visuels. Le thé produit par Lan Ting Chun est plus coloré, fleuri, clair et lumineux, là où les parfum du thé de Mengku sont plus sourds, épicés et soyeux. Au goût, bien que les deux thés soient clairement dans la même tessiture, on retrouve ce que présageait l'odeur, avec un thé de Lan Ting Chun qui s'affirme lumineux et fruité, avec des touches claires d'agrumes tandis ce que celui de Mengku apparaît comme profond et sobre avec des arômes nettement plus lourds et épicés.
Au fur et à mesure des infusions, le goût en bouche a tendance à se rapprocher et laisse apparaître une base commune à ces deux thés. Dans l'arrière goût persiste, cependant, les caractères propres à chacun, fruité et citronné pour le thé de Lan Ting Chun, épicé et poivré pour le thé de Shuangliang Mengku. On notera par ailleurs le hui gan du thé de Lan Ting Chun beaucoup plus intense et persistant, et pour la galette de Mengku, un caractère se rapprochant plus de ce qu'on attend généralement d'un bon puerh (Pu Er tea) issu d'arbres de vieille plantations.
Mais outre ses arômes spécifiques, le thé de théiers sauvages possède aussi une aptitude particulière à évoluer avec le temps. Il vieillit non seulement plus rapidement qu'un puerh (Pu Er tea) conventionnel, mais aussi d'une toute autre manière, développant ainsi avec le temps des caractères tout à fait singulier et typique de ces thés.
Voyons pour illustrer cela une galette rare et particulièrement intéressante puisqu'il s'agit du millésime 2004 du thé sauvage de Da Xue dont nous venons de goûter l'édition 2010. De plus ce thé fut stocké plus de 5 ans à Yong De, dans un stockage particulièrement humide, ce qui a contribué à accentuer sa maturation. Il est par contre stocké de manière plus sèche que depuis moins d'un an (en 2012), et possède encore une certaine marque d'humidité, qu'il prendra encore probablement quelques années à perdre totalement.
comparatif
Ye Sheng Cha 2004 vs. Ye Sheng Cha 2010
Les feuilles sont tout à fait semblable quand à leur formes. On remarque cependant une coloration des bourgeons du thé de 2004 qui vire vers le rouge.
La liqueur produite est par contre radicalement différente, avec un jaune doré pour le millésime 2010, là où le 2004 s'exprime à travers un cuivré profond.
Le parfum qui s'en dégage est particulièrement intéressant, avec un 2010 très citronné, frais, lumineux, là ou le millésime 2004 est nettement plus âpre, épais et sourd. On retrouve cependant bien tapis en arrière plan du 2004 la dimension citronnée qui caractérise le thé de 2010.
Le goût est dans la lignée directe de ce qu'annonçait le parfum des feuilles : Le millésime 2010 très frais, citronnée et lumineux, face au 2004 plus sourds, épais et clairement marqué par la maturation. On y retrouve des soupçons citronnés mais en arrière plan, qui viennent en quelque sorte relever le caractère global du thé.
Au premier abord ou si on y porte pas trop attention on pourrait croire à des thés radicalement différents tellement leurs caractères semblent éloignés. En y portant plus attention, ou lors d'une dégustation parallèle, on retrouve bien dans le millésime 2004, derrière les arômes de thés mature, le caractère qui fonde le 2010, et en particulier les touches d'agrumes, devenues discrètes mais bien perceptibles.
Ces touches d'agrumes apparaissent cependant comme radicalement métamorphosés. Assourdies, arrondies, gonflé par le temps, elles semblent avoir presque totalement perdu leur coté aiguisées et lumineux pour devenir autre chose.
Une autre dimension intéressante de ces thés est la balance entre le corps du thé et son caractère gustatif. Le 2010 présente assez peu de corps et le caractère de ce thé est surtout porté par la fraîcheur citronnée typiques des jeunes puerh (Pu Er tea) sauvages, en particulier lorsqu'ils présentent beaucoup de bourgeons. On pourrait presque faire le même constat du millésime 2004, avec là aussi un corps assez discret, sur lequel prédomine cette fois non plus une fraîcheur citronné mais des arômes frais de maturation.
Tout en restant dans les théiers sauvages, j'aimerais maintenant vous présenter une galette singulière. Il s'agit d'une édition spéciale de la galette sauvage de Lan Ting Chun produite en 2012 par Zhaiguoting à ma demande et en série limitée.
L'emballage est le même que les séries ordinaires des autres années à l'exception d'un petit tampon Puerh Asia sur la face afin de différencier cette série spéciale. Mais la vrai différence tient dans le composition de la galette. Tandis ce que la surface extérieure de celle ci est composée de feuilles et bourgeons sauvages de Da Xue Shan, récoltés au printemps 2012, le cœur de la galette est fait de feuilles sauvages du même terroir mais d'une récolte de 2006, stockées donc 6 ans sous forme de maocha à Yong De.
Le résultat est particulièrement intéressant. Les bourgeons et jeunes feuilles de 2012 apportent en effet les touches d'agrumes et la dimension fraîche et citronnée typique aux jeunes théiers sauvages, tandis ce que les feuilles plus mature donne corps, profondeur et épaisseur au thé. De plus, et ce qui est particulièrement intéressant, cette galette laisse une grande liberté à l'infusion, et permet en attaquant d'une manière ou d'une autre la galette, et donc en jouant sur les proportions de feuilles plus ou moins âgées, de vraiment jouer sur le rendu du thé. Dégustation :
Toujours dans la catégorie des surprises recelées par ce producteur, mais dans le domaine du puerh (Pu Er tea) fermenté cette fois, j'aimerais vous présenter un thé exclusivement composé de bourgeons finement fermentés. Considéré comme un grade supérieur, noble, un puerh (Pu Er tea) composé exclusivement de bourgeons est quelque chose de rare et cher. Les bourgeons sont donc en général accompagnés à la cueillette d'une ou plus souvent deux, trois voire quatre feuilles. Généralement séparés lors de la fermentation, les grades les plus fins sont alors le plus souvent utilisés avec d'autres grades au sein d'assemblages, ou plus rarement dans des galettes composées exclusivement de grades fin (comme la galette de gong ting vue plus haut), voire en vrac (cf. article "Bourgeons de puerh (Pu Er tea) de YiWu, printemps 1986"). Quels que soient les cas, la fermentation des bourgeons est généralement traitée de manière identique à celle des autres feuilles.
Là ou l'approche de Lan Ting Chun est unique, c'est dans la création d'un thé particulier, non seulement composé exclusivement de bourgeons, mais dont le travail des feuilles et la fermentation ont étés pensés spécifiquement pour cela. Les fines feuilles utilisées ne sont tout d'abord pas travaillées comme un puerh (Pu Er tea) ordinaire, mais plus à la manière d'un thé blanc sans Rou Cha de manière à conserver l'intégrité du bourgeon. Elles sont ensuite légèrement fermentées dans une pile composée intégralement de bourgeons, produisant un résultat unique.
Les bourgeons fermentés de Lan Ting Chun ont, en 2010, étés produits en deux séries. A coté de la première, compressée sous forme de galette et que nous venons de voir, a été produite une série non compressée, vendue donc en vrac, au kilogramme. Cette dernière version met plus encore en évidence l'aspect duveteux et tendres des bourgeons, et au goût dépasse encore par son intensité la version compressée.
Il y aurait encore eut beaucoup de thés à présenter, tellement les étagères de ce producteurs recèlent de perles, accumulées depuis plus de 15 ans. Toutes ne sont cependant pas à la hauteur de celles que je vous ai présentées dans cet article, mais ce dernier n'étant pas un véritable test comparatif je n'ai choisi de parler que des produits les plus pertinents.
Hulankun, la face cachée de Lan Ting Chun !
Une histoire digne d'une série télévisée !
Le puerh (Pu Er tea) est un univers complexe et labyrinthique, parfois obscur, dans lequel la recherche de la vérité s'apparente souvent à un chemin de croix. Les informations qui figurent sur les emballages des galettes sont presque systématiquement fausses, notamment concernant les terroirs d'origine ou la nature des arbres, celles qu'avancent les vendeurs (qui généralement n'ont ou ne se donnent même pas les moyens de vérifier ce qu'ils disent) sont pire encore et cela demande donc de systématiquement remonter à la source pour avoir quelques informations fiables.
Mais là encore il faut savoir que à moins d'établir avec les années de véritables liens de confiance avec les producteurs, ce que ces derniers affirment au premier abord n'est souvent pas plus fiable, et s'approche souvent plus de la légende qu'autre chose. Dans un tel contexte, chercher à comprendre la vérité de ce qui se trouve réellement derrière les galettes que nous buvons est fastidieux et demande beaucoup de temps et d'attention.
C'est ainsi que j'avais ces dernières années remarqué quelques incohérences étranges dans les produits de Lan Ting Chun. Parmi elles certaines galettes croisées dans les deux boutiques « officielles » de Lan Ting Chun à Kunming et en particulier celle de du vieux marché professionnel du puerh (Pu Er tea) tenue par le fils de Zhaiguoting, galettes que je n'avais étonnamment jamais croisées à l'usine Lan Ting Cha Chang avec laquelle je travaille pourtant depuis des années, et dont Zhaiguoting ne m'avais jamais non plus parlé alors qu'il me prévient à la sortie de pratiquement chaque nouvelle production...
D'autres petits détails des emballages des galettes Lan Ting Chun vendues d'une part à Yong De et d'autres part à Kunming laissaient aussi penser à des contrefaçons. Ceci ainsi que quelques incohérences entre d'une part les dires du fils de Zhaiguoting à Kunming, et d'autre part ceux de son père à Yong De m'ont ainsi poussé à chercher profondément les derrière de cette histoire... digne au final d'un vrai feuilleton télévisé!
- 1.Zhaiguoting
- 2.Hulankun, l ex femme de Zhaiguoting
- 3.Nouvelle femme de Zhaiguiting en 2010
- 4.Logo Lan Tin Chun
- 5.Neifei sur une galette Lan Tin Chun
Il se trouve qu'un personnage est absent de l'histoire de Lan Ting Chun telle que je l'ai présentée précédemment. Il s'agit de Hulankun, qui fut la femme de Zhaiguoting durant près de 20 ans, et a qui a notamment géré à ses coté l'entreprise à Yong De, dont la familles est aussi dans le thé à Yong De et qui vit désormais à Kunming avec son fils. Derrière la marque Lan Ting Chun déposée par Zhaiguoting on retrouve d'ailleurs non seulement le 庭 (Ting) de Zhai guo ting, mais aussi le 兰 (Lan) de Hu lan kun, et ce nom reflétait en quelque sorte ce couple de producteurs...
Je n'entrerais pas dans les détails croustillants et les raisons personnelles de la séparation de Hulankun et de Zhaiguoting, et le point de vue de chacun, sans quoi nous sombrerions vraiment dans le feuilleton télévisé, mais toujours est il qu'ils se sont séparés peu de temps après la chute du marché du puerh, et l’endettement de l'usine. Comme dans beaucoup de séparations l'affaire fut complexe et conflictuelle. Si l'ancienne femme de Zhaiguoting réclamait 50% non seulement de l'entreprise et de la marque, mais aussi des lourdes dettes qui l'accompagnait, Zhaiguoting, propriétaire légal de l'entreprise et de la maque préféra conserver seul l'intégralité de l'entreprise, quitte à assumer seul les dettes qui y était liés.
Non satisfaire de cette situation Hulankun continue à revendiquer, tout du moins moralement la moitié de la marque Lan Ting Chun dans lequel figure son propre nom... et depuis des années continue à produire avec un de ses fils des galettes étiquetés Lan Ting Chun, ne provenant absolument pas de Lan Ting Tea Factory, mais le plus souvent de De Hu Cha Chang une usine de Yong De appartenant à son frère. Ainsi un certain nombre de galette vendues comme Lan Ting Chun sur le marché proviennent de cette usine de la famille de Hulankun et non de Lan Ting Cha Chang comme on pourrait le peser et comme leur emballage l'affirme.
De plus, si Zhaiguoting est basé à Yong De, région rurale particulièrement reculée de Lincang où pas grand monde ne va s’aventurer, avec une usine à gérer et peu de possibilités de quitter la région, Hulankun ainsi que ses enfants sont désormais basés à Kunming, capitale du Yunnan et gros centre de commerce du thé puerh, et possèdent sur les différents marchés professionnels du thé des boutiques « officielle » représentant Lan Ting Chun... qui bien entendu commercialisent essentiellement non pas les thés de Zhaiguoting mais bien ceux produits par Hulankun et son frère, ce qui leur donne une position privilégiée sur le marché.
- 1.Thé produits pour Hulankun par De Hu Cha Chang en 2012
- 2.Thés produits pour Hulankun par De Hu Cha Chang (en haut) et par Zhaiguoting à Lan Ting Cha Chang (en bas)
- 3.Logos Lan Ting Chun sur des galettes produites par Hulankun et Zhaiguoting
- 4.Exemple de galette produite par Zhaiguoting (à gauche) et Hulankun (à droite)
Certaines de ces galettes, produites donc par la famille de Hulankun sous le nom de Lan Ting Chun reprennent ainsi précisément les mêmes emballages que les galettes produites au même moment par Zhaiguoting. Ce sont donc des copies presques conformes, comportant notamment le logo, mais aussi les références de l'usine Lan Ting Cha Chang et les informations légales qui y sont relatives, et constituent ainsi de véritables contrefaçons, dont la vente est théoriquement interdite en Chine.
Depuis quelques temps Hulankun produits aussi ses propres références, basés sur des assemblages et des recettes qui lui sont propres. Ces galettes, possèdent ainsi leurs propre noms et emballages et n'existent pas dans le catalogue de Zhaiguoting. Si les noms et le design des emballages diffèrent, ces thés restent cependant vendues sous la marque Lan Ting Chun dont ils affichent le logo, et reprennent toujours très fortement l’esthétique des produits Lan Ting Chun. Plus encore leur Nei Piao indique systématiquement que le thé provient de Lan Ting Tea Factory (alors qu'elles sont produites par De Hu Cha Chang), et leur emballages reprennent les différentes informations légales relative à l'usine de Zhaiguoting, et notamment de manière tout à fait illégale les références de son label QS, qui identifie l'usine et garantie qu'elle est bien au normes chinoises.
- 1.Nei Fei indiquant Lan Ting Tea Factory dans une galette produite par De Hu Tea Factory
- 2.Informations falsifiées sur une galette Lan Ting Chun produite par De Hu Cha Chang
- 3.Détails de galettes Lan Ting Chun produites par Hulankun et Zhaiguoting
- 4.Références QS de Lan Ting Tea Factory utilisés sur une galette produite par De Hu Tea Factory
L'histoire aurait bien entendu pu finir en justice, si nous n'avions pas été en Chine, et si il ne s'y mêlait pas de complexes histories familiales, entre non seulement Zhaiguoting et son ex-femme mais aussi ses enfants, impliqués dans la vente des différents produits Lan Ting Chun. Si ainsi Zhaiguoting ne voit bien sur pas d'un très bon œil que son ex-femme produise et vende à Kunming des thés sous le nom de Lan Ting Chun, et reprennent à son compte le design et la notoriété de ses produits, la situation est ainsi et il la prend avec un certain fatalisme.
- 1.Thés de Min Feng 2012 version Zhaiguoting (gauche) et Hulankun (droite)
- 2.Première récolte de printemps version Zhaiguoting (gauche) et Hulankun (droite)
- 3.Nei Piao des galettes de Zhaiguoting et Hulankun
- 4.Lan Ting Chun versus Zhaiguoting et Hulankun
Mais plus encore certains échanges perdurent via les enfants de Zhaiguoting entre d'une part le clan Hulankun à Kunming, et Zhaiguoting à Yong De ce qui rend les choses encore plus compliqués. Ainsi par exemple lorsque Hulankun commence, non plus à copier les anciennes production mais à produire,toujours sous le nom Lan Ting Chun ses propres thés de Mang Fei, Zhaiguoting ne crois tout d'abord pas que puisse en sortir un produit de qualité. Finalement impressionné par la qualité de ce thé, il demandera étrangement a son fils de lui en envoyer un stock à Yong De, et ces thés se retrouveront donc vendues par Zhaiguoting lui même à coté de ses propres productions. A l'inverse Zhaiguoting demandera à son fils de vendre du Shue Yu Cha Xiang, un de ses thé phare, sur le marché de Kunming, et ses galettes se retrouvent ainsi aujourd'hui dans les rayons de la boutique de son ex-femme...
Comment reconnaître les thés véritablement produit par Zhaiguoting, et ceux produits par Hulankun et son fils ?
Il n'est pas aisé de reconnaître ces différentes galettes tellement celles de Hulankun sont inspirées du design original de Zhaiguoting, à moins de connaître au cas par cas l'origine de chaque galette. On retrouve en effet sur ces galettes les même logo, les mêmes références, le même Nei Piao, mais aussi de nombreux détails graphiques, comme des frises ou certaines photos utilisés comme visuel sur les galettes...
Je n'aborderais donc pas la question des productions anciennes, ce qui pourrait faire un article à part entière, et je me contenterais des productions de 2012, plus simple à différencier sans avoir à connaître l'histoire de chaque galette.
- 1.Papiers utilisés par Lan Ting Cha Chang (haut) et De Hu Cha Chang (bas) en 2012
- 2.Papier utilisé par Lan Ting Cha Chang en 2012
- 3.Papier utilisé par De Hu Cha Chang en 2012
- 4.Papier utilisé par Lan Ting Cha Chang en 2012
Les papiers utilisés par les deux producteurs pour leurs productions récentes (hors commande privées vendues sous d'autres marques) diffèrent en effet de manière significative. Bien que tout deux aient utilisés différents papiers pour leurs thés de 2012, ceux de Hulankun sont toujours blancs, là ou les papiers de Zhaiguoting sont plus jaunes. De plus le papier utilisé par Zhaiguoting contient de grosses fibres colorées jaune orangées qui se répartissent ça et là à sa surface. On retrouve parfois des fibres semblables sur certains thés de Hulankun, comme sa Ming Qian 2012, mais ces fibres sont alors blanches et brillantes, là ou celles des emballages de Zhaiguoting sont toujours jaunes-orangés et mates.
De même les tongs produits par Lan Ting Cha Chang, sont généralement fermés à l'aide de fil de fer, là où ceux issus de De Hu Cha Chang sont fermés de fils naturels.
Lan Ting Chun Zhaiguoting vs. Lan Ting Chun Hulankun
Alors que penser de ces thés Lan Ting Chun produits à De Hu Cha Chang par (pour) Hulankun?
Je ne vais pas faire l'avocat de Zhaiguoting ou de Hulankun, et ont peut très bien comprendre les raisons de l'un ou de l'autre à utiliser le logo la marque Lan Ting Chun, après plus de 20 ans de travail commun autour de cette marque. Ce que je critiquerais cependant largement dans les thés produits par Hulankun, ce n'est pas qu'ils utilisent à leur compte la maque Lan Ting Chun, mais qu'ils se font passer pour des production de Lan Ting Factory (alors qu'il proviennent d'une toute autre usine), ce qui en fait de véritables faux, autant légalement que moralement.
Pire que l’absence de traçabilité, on est ainsi face à une traçabilité falsifié. Non seulement on ne sait rien de l'usine qui a réellement produit ces galettes, mais celles ci sont vendues comme produites pas l'usine de Zhaiguoting. Au delà de l'usine c'est aussi les différents labels qui accompagnent ces galettes qui sont falsifiés, notamment le label QS qui garantie que l'usine est au norme, mais aussi les label Green Food ou le label BIO (COFCC), qui concernent respectivement l'usine et le jardin de Zhaiguoting. Face a cela il aurait été plus honnête, correcte et respectueux du consommateur de vendre ces thés, sous la marque Lan Ting Chun soit, mais comme provenant de De Hu Cha Chang, et accompagnés des informations légales concernant cette usine.
Cela étant dit, une fois informé de l'origine de ces galettes, et si on les achète en connaissance de cause, il y'a bien de très bonnes choses dans les productions récentes de Hulankun, dont certains valent vraiment le détour et dont voici quelques exemples, comparés lorsqu'elles existent avec des productions similaires de Zhaiguoting.
Commençons par une galette des premières récoltes, début de printemps 2012, qui si elle n'arrive pas à la hauteur de la version produite par Zhaiguoting reste vraiment un bon thé.
comparatif
Ming Qian Lan Ting Cha Chang 2012 vs. Ming Qian De Hu Cha Chang 2012
Le thé de Hulankun apparaît aussi comme un peu plus vert, là ou globalement la galette de Zhaiguoting semble légèrement plus jaune. Elle semble aussi moins compressée, les feuilles se détachant donc plus facilement et apparaissent plus belles une fois remises en vrac.
Les liqueurs sont assez proches et limpides, légèrement plus sombre et un peu moins éclatante cependant pour le thé de Zhaiguoting.
Au nez on est bien dans le même ton, avec la version de Zhaiguoting peut être légèrement plus ample et intense, là ou la version de Hulankun apparaît plus profonde et subtile.
Ce que présageait les parfums se retrouve clairement à la première gorgée : le thé de Zhaiguoting apparaît comme beaucoup plus intense, ample et généreux, avec une excellente présence tant au palais que dans la gorge ou la fosse nasale. A coté de cela le thé de Hulankun, plus discret joue plus de la finesse et de la profondeur.
Face à face, le thé de Hulankun paraît très léger, fade, dilué, là ou le thé de Zhaiguoting s'exprime avec une ampleur et une richesse remarquable. Sans que cela fasse oublier cette légèreté, le thé produit par Hulankun, dégusté individuellement, possède bien une certaine pureté, une profondeur et une précision remarquable que le thé de Zhaiguoting ne possède pas.
On est clairement dans deux interprétations des récoltes de début de printemps : Le thé de Hulankun joue sur une sorte de pureté, et met en avant la subtilité et la finesse quitte à frôler l'insipide, tandis ce que le thé produit par Zhaiguoting fait dans la profondeur, la richesse et l'abondance aromatique. Lors d'une dégustation en parallèle le thé de Hulankun se retrouve totalement écrasé, et n'a aucune chance de s'exprimer. Indépendamment par contre, bien que son manque de corps et de présence fasse défaut, on peut tout de même être touché par son charme et se délecter de sa finesse.
Passons à une autre production 2012 de Hulankun, qui reprend un grand classique du catalogue Lan Ting Chun: un thé de la montagne Min Feng.
comparatif
Min Feng Lan Ting Cha Chang 2012 vs. Min Feng De Hu Cha Chang 2012
A l'odeur cependant la galette de Hulankun apparaît plus âpre, plus profonde, satinée là ou la version de Zhaiguoting est légèrement plus ronde et discrète.
Les liqueurs sont toutes deux très proches, avec le thé de Hulankun un peu plus sombre et coloré. On retrouve bien dans le parfum qui s'en dégage le même caractère.
On est face à quelque chose de semblable au palais : des arômes très proches, et un caractère résolument commun. Le thé de Zhaiguoting apparaît tout de même plus rond, là ou celui de Hulankun s'exprime de manière plus mate, masculine et légèrement plus intense.
Ces différences ont cependant tendance à s'atténuer avec les infusions et ces deux thés à se rapprocher. Le thé de Hulankun garde cependant tout au long de la dégustation une avance quand à l'intensité et la force.
A son avantage le thé de Zhaiguoting possède plus de rondeur, mais son homologue par Hulankun monte mieux dans le nez, possède plus d’ampleur et de propension à se diffuser. Il possède aussi plus d'amertume et d'astringence que le thé de Zhaiguoting, et est plus typé vieil arbre.
Voyons un autre exemple de puerh (Pu Er tea) brut produit en 2012 pour Hulankun. Il s'agit cette fois d'un thé de la montagne Mang Fei, terroir que Zhaiguoting n'a pas produit en 2012.
Mais il y'a aussi de très bonnes choses dans les thés fermentés que proposes Hulankun. Voyons par exemple le cas de deux vrac de grade unique, le premier de grade 9 (grandes feuilles) de 2011, et le seconde de grade 5 (feuilles moyennes) de 2012.
Quel thé choisir au final entre les productions de Zhaiguoting et celles de Hulankun?
Plusieurs choses peuvent entrer en compte dans le choix des thés produits par Zhaiguoting ou de son Ex-Femme, Hulankun, notamment qui en est à l'origine et de quelle usine ils sont véritablement sortis ce qui bien entendu a son importance dans le choix d'un thé ou d'un producteur.
Si on fait cependant abstraction de cela et que l'on ne se fie qu'aux dimensions qualitatives et aux qualités gustatives on remarquera, pour les thés qui sont comparables de 2012 (même terroir, même saison, même type) que pour la Ming Qian, récoltes de tout début de printemps, le thé de Zhaiguoting est plus riche, intense et profond, là ou celui de Hulankun apparaît en retrait, et bien qu'il jouisse d'une grande pureté reste moins intéressant.
Pour le thé de Min Feng au contraire la galette produite par Hulankun se révèle légèrement plus profonde et riche que celle de Zhaiguoting.
Les autres thés de catalogue de ces deux producteurs diffèrent trop, notamment sur l'origine des thés et les approches de la fermentation pour pouvoir être comparés. On retiendra donc au final des qualités assez semblables sur l'ensemble des thés, avec parfois des galettes plus réussies chez Zhaiguoting, parfois des meilleurs galettes chez Hulankun.