Quel est l'origine du thé? D'où vient cet arbre mystérieux qui aujourd'hui pousse dans plus de 50 pays à travers le monde? Comment l'a on découvert, et quand l'homme a-t-il commencé à en boire les feuilles? Telles sont les questions que depuis plusieurs milliers d'années de nombreux amateurs de thé se posent... Des légendes antiques aux premiers écrits sur le thé, en passant par les théiers multi-millénaires du Yunnan, je vous propose un voyage dans le temps en quête des théiers originels.
Mythes et légendes à propos de l'origine du thé ...
Shennong, l'empereur des 5 graines...
Un mythe très courant en Chine est d'attribuer la découverte du thé à Shennong (神农). Aussi appelé "empereur des 5 graines", ou encore "le fermier saint" c'est un des personnages clefs de la mythologie chinoise qui aurait vécu entre 2737 et 2697 avant JC. C'est à Shennong qu'on prête l'invention de l'agriculture, de la houe, de l'araire et de l'art de planter et cultiver les 5 aliments de base (d'où son nom d'empereur des 5 graines).
Mais c'est aussi Shennong qui serait à l'origine de la médecine chinoise, en goûtant et analysant sur lui un nombre considérable de plantes, dont les 360 répertoriées dans le "Shennong bencaojing" (神农本草经), le premier traité de médecine chinoise. Probablement écrits entre 300 et 200 avant JC, ce traité serait la transcription du savoir de Shennong, transmis oralement pendant plus de 2000 ans. Goûtant ainsi toutes sortes de plantes à longueur de journée, Shennong, qui pouvait parfois ingurgiter plusieurs dizaines de plantes toxiques dans une seule journée était régulièrement sérieusement intoxiqué.
On raconte qu'un jour de l'année 2737 avant JC, Shennong après avoir ingurgité un bon nombre de plantes toxiques, aurait infusé des feuilles et petites branches de thé, ou selon d'autres versions aurait mâché quelques feuilles de thé fraîches. C'est ainsi qu'il aurait découvert les vertus désintoxiquantes du thé, et que ce dernier serait rentré dans la médecine chinoise.
Une autre version de la légende attribue cette découverte au hasard. Selon cette dernière, l'empereur des 5 graines buvait tranquillement à l'ombre d'un arbre un bol d'eau qu'il venait de faire bouillir. Soudain une feuille d'un théier avoisinant, transportée par le vent, vint tomber accidentellement dans sa tasse, changeant instantanément la couleur de l'eau contenue dans cette dernière. Shennong qui en but une gorgée aurait alors été frappé par l'arôme incroyable qui s'en serait dégagé.
Bodhidharma, de la méditation zen au premier théiers...
Une autre légende plus étonnante encore et datant de la dynastie Tang attribue la naissance du thé à Bodhidharma (菩提达摩) il y a 1500 ans de cela. Originaire d'Inde, le moine Bodhidharma aurait vécu en Chine entre le 5ième et le 6ième siècle, où il serait venu pour porter l'enseignement de Bouddha. On le considère souvent comme le créateur de l'école Chan (禅), qui deviendra Zen au Japon, mais aussi comme le père du Gung Fu Shaolin.
Bodhidharma, après avoir traversé le fleuve Yangzi en 527, s'arrêtera dans le temple du Mont Song au Henan. Il y méditera 9 ans, immobile face à un mur, ce qui lui vaudra le surnom de "Brahmane contemplant son mur". La légende raconte qu'à l'issue de ces 9 années il se serait endormi par mégarde. A son réveil Bodhidharma, se rendant compte de la chose se coupa les paupières, afin que cela ne puisse se reproduire et les jeta à terre.
En repassant au même endroit quelques années plus tard, il aurait alors découvert que deux arbustes avaient poussé là où il avait abandonné ses paupières et il en cueillit machinalement quelques feuilles.
Sur la fin de sa vie, Bodhidharma passera 9 années de sa vie à méditer devant un rocher au fond d'une grotte. On raconte qu'après quelques années de méditation, un jour où il commençait à ressentir la fatigue, il aurait eu le réflexe de mâcher quelques-unes des feuilles qu'il avait précédemment ramassées. Il aurait alors découvert que ces feuilles, qui étaient en fait des feuilles de thé, donnaient le pouvoir de rester dans un état de concentration accrue, de chasser ennui et fatigue et de maintenir l'esprit réveillé.
A la suite de cela les moines commencèrent à consommer puis à cultiver ces précieuses feuilles de thé, afin de se soutenir durant leurs longues périodes de méditation.
Bien que la légende soit bien peu crédible, le lien entre la consommation du thé par les moines bouddhistes, en particulier zen, et le début de la diffusion du thé en Chine est bien un fait irréfutable.
Dans une compilation ancienne de textes de Feng Yan (Feng Shi Wen Jian Ji), on trouve à ce propos la citation suivante: "Le thé avait coutume d'être une boisson appréciée uniquement par les habitants du sud, tandis que peu d'habitants du nord en buvaient. La situation a changé durant la période Kaiyuan (712-756), quand les moines Chan ont commencé à promouvoir leur religion. S'adonnant pieusement à une pratique intense et prolongée, nécessitant absence de nourriture et de sommeil, le thé devint leur seule source d'énergie."
Des premiers écrits sur le thé à l'histoire officielle du thé chinois
L'origine du thé est une question qui a depuis toujours interpellé bon nombre de penseurs et figures de la culture du thé à commencer par Lu Yu (陆羽), que les chinois ont élevé au stade de Dieu du thé.
Le Classique du thé, premier écrit concernant le thé il y'a plus de 1200 ans
Lu Yu, qui a vécu en Chine il y'a plus de 1000 ans a probablement eux plus que quiconque une influence sur ce que le thé thé est devenu dans ce pays et dans dans le monde. Si il n'a pas découvert à proprement parler le thé il a, en écrivant le premier ouvrage précis et complet sur la culture du thé de l'époque, largement initié la rapide diffusion de la pratique du thé en Chine, et l'entrée du thé dans le quotidiens des Chinois. Cet ouvrage écris en l'an 780, le célèbre Classique du thé, qui fait un point le plus exhaustif que possible sur ce que l'on connaît en ce temps de la culture du thé, se veut didactique et enseigne tant la manière de cultiver les théier que l'art de préparer au mieux une tasse de thé.
Le premier chapitre de cette bible du thé, s'intitule notamment "rechercher l'origine du thé". On y apprend de la plume de Lu Yu que le thé est une plante originaire du sud de la Chine dont la taille varie de 60cm à près de 4m selon sa localisation. Lu Yu précise que dans l'est du Sichuan ou l'ouest de Hubei, il existe une variété d'arbres gigantesques, dont deux personnes à bras tendus sont nécessaires à en enlacer le tronc et dont on est contrcontraint de grimper aux branches pour en atteindre les feuilles.
Si cette description ne sera pas sans étonner le lecteur contemporain, plus habitué à voir des théiers sous forme de buissons maintenus à hauteur d'homme, de tels paysages d'arbres anciens majestueux existent encore aujourd'hui dans certaines régions du Yunnan. Au temps de Lu Yu cependant le Yunnan, à propos duquel il ne fait jamais référence, n'était pas une région Chinoise telle qu'elle l'est aujourd'hui mais une zone bouleversée, au croisement de la Birmanie, du Laos et du Viet Nam, habitée par différentes ethnies et partiellement contrôlé par le royaume de Nanzao (fondé 2 ans après la naissance de Lu Yu).
- 1.Le classique du thé de Lu Yu écris en 780
- 2.Le Yunnan au sein de l'asie du sud est
- 3.Théier prenant l'apparence de gros buisson dans le Yunnan aujourd'hui
- 4.Grand théier dans le Yunnan aujour'hui
- 5.Plantation moderne à grande échelle dans le Yunnan
De même on peut largement relativiser les affirmations catégoriques des auteurs anciens concernant la localisation de tel ou tel type de théiers. Pour Lu Yu des théiers prennent l'apparence de véritables arbres dans le Sichuan tandis ce que pour Shen Kuo alias Shen Cunzhong (dans Meng Xi Bi Tan) les plantes du Sichuan sont seulement des buissons herbacés alors que, toujours selon Shen Kuo, ceux de Jian'an seraient tous de véritables arbres. Au vus de la taille de ces régions, de la difficulté même aujourd'hui de s'y déplacer, on peut imaginer les conditions il y'a plus de 2000 ans et donc la connaissance partielle de ces régions par les auteurs de l'époque. Il est ainsi plus probable de penser que des théiers de tailles et forme différentes cohabitaient dans différentes régions de l'actuelle Chine.
Lu Yu nous invite aussi à observer la composition de l'idéograme chinois thé (Cha 茶) qui selon lui implique une provenance étymologique caractérisant le thé comme une herbe, un arbre, ou un arbuste entre les deux. Dans la plupart de cas selon Lu Yu, les théiers qui poussent naturellement dans leur habitats sauvages sont en meilleurs conditions que ceux cultivés dans les jardins, en particulier lorsque les théiers peuvent se nicher à l'ombre d'une foret d'arbres plus grand.
- 1.Arbres à thé au coeur de la foret (Jinuo Shan)
- 2.Arbres à thé au coeur de la foret (Yi Wu)
- 3.Grand arbre à thé ancien (Jinuo Shan, Xishuangbanna)
- 4.Grand arbre à thé ancien (Pu'Er)
- 5.Grand arbre à thé ancien (Lao Banzhang, Xishuangbanna)
On peut déduire de ces quelques lignes de Lu Yu le paysage qu'il aurait pu apercevoir il y'a plus de 1200 ans durant ses différentes explorations en quête du thé: Des théiers sauvages de près de 4m aux larges troncs évoluant au coeur des forets du Sichuan, mais aussi des cultures domestiquées par l'homme au sein desquels pouvaient se trouver de gros arbres et des de buissons d'à peine plus d'une cinquantaine de centimètres.
Ce premier ouvrage sur le thé nous renseigne aussi sur un certain nombre de connaissances concernant la compréhension et la maîtrise que l'homme pouvait avoir sur la cultivation du théier il y'a 1200 ans. Lu Yu, qui commence par déclarer que les méthodes de cultivation du théier sont similaires à celles du melon, à l'exception de la durée de croissance qui atteint trois ans pour le théier, relève ensuite différents caractères nécessaires à la production d'un thé de qualité, abordant ainsi les différentes dimensions de la cultivation du thé. Le terroir tout d'abord, qui pour produire un thé de qualité doit présenter un sol couvert de pierres érodées, là où pour Lu Yu un sol gravieux produira un thé de qualité moyenne et un sol argileux un thé de qualité inférieure. De même le théier doit idéalement pousser sur une pente ensoleillée de la montagne, à l'abris d'arbres plus grands.
Mais la maîtrise de la culture du théier ne se limite pas à la compréhension de l'environnement, et les contemporains de Lu Yu apportaient déjà une grande importance aux conditions de récolte et en particulier au moment propice à la cueillette du thé en fonction non seulement des conditions climatiques mais aussi des phases lunaires.
A la suite de Lu Yu de nombreux lettrés ont écris sur le thé, formant petit à petit la culture Chinoise du thé, touchant tant des considérations sur la cultivation et l'exploitation des arbres, que l'art d'infuser les feuilles de thé, en passant par toutes les étapes de fabrication de ces feuilles.
Parmi ces auteurs, un certain nombre se sont penchés sur l'origine du thé, notamment par la réinterprétation d'anciens écris, ou l'étymologie même du mot thé. Si le caractère thé tel que nous l'écrivons aujourd'hui en Chinois (茶 Cha) n'apparait que durant la dynastie Tang, il se sépare d'une racine commune très proche Tu (荼), qui peut laisser supposer qu'il s'agissait initialement d'un même mot, désignant potentiellement une même plante dont le thé tirerait son origine.
Parmi les textes anciens on trouve cependant un certain nombre d'auteurs qui mettent en garde sur l'amalgame entre Tu et Cha, et réfutent l'idée que tout texte évoquant la plante appelée anciennement "tu" se référerait au thé. Wang Mao relève notamment au XIIème siècle dans ses "faits divers" (Ye Ke Cong Shu) que bien qu'il soit couramment accepté que ce que les ancêtres nommaient "tu" était ce que l'on appelle désormais cha (thé), il s'agisse en réalité d'une catégorie de végétation ne couvrant pas une plante donnée mais de nombreuses variétés. La seule variété de tu qui indiquerait clairement le thé actuel était nommée tu-jia, et les auteurs passé n'auraient pour Wang Mao pas sur rendre claire la distinction entre les différentes espèces de plantes s'en rapprochant. En guise d'exemple l'auteur site un passage du "Classique de la poésie" (entre le 7ième et le 10ème siècle avant JC) où il est écrit: "Ce n'est pas juste de décrire le "tu" comme amer? Il a un goût doux comme un sac de berger". Pour Wang Mao ce passage ne se réfère pas au thé comme cela a pu être écris mais à une sorte de laitue amère proche du chardon.
De l'arbre sauvage au théier sculpté par la main de l'homme, une lente domestication
Ces écrits anciens sont aussi très instructifs quand à la manière dont l'homme aura progressivement domestiqué le théier, originellement sauvage, pour en faire ce que l'on connaît aujourd'hui. Le théier fut notamment longtemps considéré par les anciens comme une espèce botanique particulière et impossible à transplanter, ne pouvant dès lors que être cultivé à partir de graines. C'est de ce caractère que l'on attribue au théier que provient la coutume ancienne d'offrir du thé lors du mariage, symbolisant ainsi la loyauté entre le futur couple.
L'homme dépassa cependant progressivement cette croyance ancienne, qui comme l'écrivait déjà Chen Shi Jiao dans Guang Yuan Shi "était de toute évidence basées sur des oui dire", et, afin d'éviter les mutations provoquées par la reproduction naturelle du théier, il acquis progressivement la maîtrise du clonage. Si le bouturage du thé, particulièrement sensible, est très récent et se pratique généralement depuis à peine un siècle, une méthode plus ancienne fut pratiquée bien avant: le marcottage.
Une des branche du théier était alors progressivement contrainte à se courber jusqu'à atteindre le sol à une certaine distance de l'arbre dont elle était issus. Après un certain temps durant lequel la branche ayant pénétrée dans le sol a commencé à former des racines, le lien avec l'arbre original est coupé, et un nouvel arbre commence à pousser à l'endroit ou la branche a été sectionnée.
- 1.Principe du marcottage
- 2.Jardin à thé ancien à Nanuo, Xishuangbanna
- 3.Jardin à thé ancien à Banzhang, Xishuangbanna
- 4.Jardin à thé ancien à Puerh
Mais la maîtrise du théier ne se limite pas à sa reproduction, et c'est par plusieurs milliers d'année d'expérience et de savoirs empiriques, concernant notamment la taille, l'environnement et la sélection des espèces, que l'homme aura progressivement sculpté cet arbre sauvage pour obtenir les thés de qualité supérieure que l'on peut parfois boire aujourd'hui. En observant les théiers les plus anciens qui ont survécu jusqu'à nous, notamment dans le Yunnan où ce trouve la plus belle concentrations de théiers millénaires, on est en mesure de peser ce long travail de domestication du théier par l'homme.
Je ne parle bien entendu pas des mutations liés aux pratiques agricoles modernes, sélection accrue des cultivar et clonages à grande échelle, transformation de pans entier de foret en cultures intensives, usages d'engrais et de pesticides chimiques ou pseudo-naturels, mais bien de pratiques remontant plusieurs milliers d'années en arrière et dont le théier d'aujourd'hui découle. Il suffit d'observer un théier sauvage, d'en toucher les feuilles, d'en boire le thé pour se rendre compte du chemin qui a été parcourus par rapport à des arbres domestiqués, même il y'a 1000 ans de celà. Par chance un certains nombre de théiers anciens ont dans le Yunnan perdurés jusqu'à aujourd'hui, et nous permettant de goûter à ces arômes d'un autre temps.
Il s'agit tout d'abord de théiers sauvages que l'on trouve encore dans certaines forets reculés du Yunnan, notamment dans les régions de Pu'Er et Lincang. Théiers à l'état originel, il s'agit souvent d'arbres majestueux de plus de 10 mètres de haut et parfois âgés de plusieurs milliers d'années qui poussent naturellement au coeur des forets. Le thé qu'ils produisent est unique, que ce soit par ses arômes, son caractère ou l'énergie qui s'en dégage. Ayant poussé sans intervention de l'homme on en rencontre un certain nombre de sous-variétés selon les régions, produisant des arômes distincts. On y trouve cependant en général quelques permanences, en particulier lorsqu'ils sont jeunes une grande fraîcheur et des touches d'agrumes pouvant rappeler le citron ou le pamplemousse, et une évolution particulière dans le temps, se développant en quelque chose de beaucoup plus profond, âpre, parfois presque fumé.
Je vous propose pour illustrer cela de déguster un thé particulier composé de bourgeons de théier sauvages de l'année. Outre être issu de théier sauvages ce thé est doublement atypique, non seulement car c'est un pur bourgeon, et ne contient donc pas de feuilles plus développées, mais aussi et surtout car il n'a pas été façonné comme un puerh (Pu Er tea) traditionnel et dont les bourgeons, à la manière d'un thé blanc, ont donc étés délicatement séchés de sorte à conserver leur aspect et rester au plus proche de ce que l'on trouve sur l'arbre.
D'autres thés plus conformes aux standards du puerh (Pu Er tea) sont cependant aussi produits à partir de feuilles d'arbres sauvages. Parmi eux un thé très connu de la montagne Da Xue dans la région de Mengku (Lincang) et produit par Shuangjiang Mengku. Les théiers dont sont issus cette galette sont de grands théiers sauvages poussant dans une zone reculée de la foret au coeur de la montagne Da Xue. L'histoire de ce thé commença en 2001 où il fut produit pour la première fois par Shuangjiang Mengku pour Purlple Cane, un vendeur Malaisien très réputé et possédant une place importante de la culture du thé en Malaisie.
- 1.Camellia Siow, avec la première galette de thé Sauvage Purple Cane (2001)
- 3.Millésime 2001 de la galette de thé sauvage Mengku Purple Cane
Outre la nature et l'origine des feuilles, la galette commandée et pensée par Purple Cane sort de l'ordinaire à différents égards. Son format tout d'abord, de 500g, là où une galette conventionnelle pèse généralement plus 357g (ou 400g) pensée pour le stockage à long terme, mais aussi l'utilisation d'une grande feuille de théier sauvage en guise de Nei Piao. Ainsi débutée en 2001 cette galette sera produite annuellement et commercialisée exclusivement par Purple Cane en Malalsie entre 2001 et 2007.
En 2006 en plein boum du puerh (Pu Er tea) et voyant le succès de cette galette, Shuangjiang Mengku décide de sortir le même thé à son propre compte et en commercialise une version de 400g à son nom et avec son propre emballage sous la référence "Da Xue Shan Yeshan Chabing" (galette de thé sauvage de la montagne Da Xue), ce qui ne manquera pas de déplaire à Purple Cane qui arrêtera les commandes l'année suivante.
En 2010, quatre ans après cette production, Shuangjiang Mengku réitère la chose en pressant un nouveau millésime de son thé sauvage de Da Xue, reprenant cette fois à l'identique le design original de Purple Cane, soit une galette de 500g sur la face de laquelle est inclus une large feuille de théier sauvage à laquelle le producteur a cependant rajouté son propre Nei Piao.
Produit la même année que cette galette de Mengku, une autre galette issue de théiers sauvages produite par Lan Ting Chun et présentée dans l'article sur ce producteur (voir Lan Ting Chun, l'éxcellence méconue de Yong De) est digne d'intérêt. Bien que toutes les deux vendues comme provenant de la montagne Da Xue, dans la région de Lincang, ces deux galettes ne proviennent pas de la même montagne, deux montagnes portant en effet le même nom à Lincang. Tandis ce que la galette de Suangjiang Mengku vient du Da Xue Shan de la région de Mengku, celle produite par Lan Ting Chun provient du Da Xue Shan de la région de Yong De.
comparatif
Arbres sauvages Lan Ting Chun 2010 vs. Arbres sauvages Shuangjiang Mengku 2010
Si ces deux galettes proviennent bien de la même région, Lincang, et sont annoncées comme provenant de la montagne Da Shue, (大雪山), il ne s'agit cependant pas de la même montagne. La galette de Shuangjiang Mengku provient en effet du Da Shue Shan de Mengku, tandis ce que celle produite par Lan Ting Chun vient du Da Shue Shan de Yongde dans une circonscription voisine.
La surface de ces deux galettes présente de très beau entremêlements de feuilles. En y portant son nez, la galette produite par Lan Ting Chun laisse échapper un parfum plus intense, rond, fruité et profond, là où la galette de Mengku ne dégage que peu d'odeur. A l'oeil on remarque immédiatement de grandes différences. La galette de Yongde (Lan Ting Chun) apparaît en effet comme nettement plus colorée que sa soeur de Mengku: On y remarque notamment une grande proportion de bourgeons jaunes, typiques de certains théiers sauvages, là où la galette de Mengku apparaît comme plus mate, verte et unie.
A l'infusion les liqueurs sont très proches. Si toutes deux sont très pures et lumineuses, celle de Lan Ting Chun présente cependant un très léger trouble face à sa concurrente.
Le parfum de ces galettes illustre parfaitement leurs aspects visuels. Le thé produit par Lan Ting Chun est plus coloré, fleuri, clair et lumineux, là où les parfums du thé de Mengku sont plus sourds, épicés et soyeux. Au goût, bien que les deux thés soient clairement dans la même tessiture, on retrouve ce que présageait l'odeur, avec un thé de Lan Ting Chun qui s'affirme lumineux et fruité, avec des touches claires d'agrumes tandis ce que celui de Mengku apparaît comme profond et sobre avec des arômes nettement plus lourds et épicés.
Au fur et à mesure des infusions, le goût en bouche a tendance à se rapprocher et laisse apparaître une base commune à ces deux thés. Dans l'arrière goût persiste, cependant, les caractères propres à chacun, fruité et citronné pour le thé de Lan Ting Chun, épicé et poivré pour le thé de Shuangliang Mengku. On notera par ailleurs le hui gan du thé de Lan Ting Chun beaucoup plus intense et persistant, et pour la galette de Mengku, un caractère se rapprochant plus de ce qu'on attend généralement d'un bon puerh (Pu Er tea) issu d'arbres de vieille plantations.
De tels thés sauvages restent cependant rares sur le marché, notamment à cause des difficultés et des risques de leur cueillette, nécessitant de grimper au sommet de très grands arbres souvent dénués de branches sur les premiers mètres. De plus la cueillette de ces arbres, souvent situés dans des parcs naturels, est aujourd'hui strictement contrôlée (voir interdite dans la majorité des cas) afin d'éviter des abus comme nous avons pu en voir durant la grande flambée des prix du puerh, où des arbres ont par exemple étés sciés pour en piller les feuilles plus aisément. Enfin les arômes de telles arbres sauvages sont singuliers et s'éloignent des standards de qualité actuels du puerh, qui feront généralement préférer le thé provenant de ce que l'on appelle arbres de vieilles plantations.
Ces derniers ont généralement été plantés et entretenus il y'a entre une centaine et un millier d'années par les différentes ethnies qui peuplaient les montagnes de l'actuel Yunnan, notamment les Pu desquels déscendraient les Bulang actuels. Plantés par l'homme depuis la graine, ou plus rarement marcotés, ces arbres généralement regroupés en jardins sont le fruit d'une transformation progressive du théier sauvage afin d'accroire la qualité du thé qu'ils produiront. Cette mutation, débutée il y'a plus de 2000 ans étant très lente et progressive, on trouve encore aujourd'hui parmi les arbres les plus anciens un certain nombre d'arbres dits transitif, situés à mi chemin entre le théier véritablement sauvage et le théier de vieille plantation.
- 1.Arbres de vieille plantation (Nanuo Shan, Xishuangbanna)
- 3.Arbres de vieille plantation (Jinuo Shan, Xishuangbanna)
- 4.Arbres de vieille plantation (Bing Dai, Mengku, Lincang)
Ces jardins anciens sont aussi le reflet de méthodes agricoles antiques, proche et respectueuses de la nature. Les jardins à thé étaient ainsi souvent intégrés au coeurs des forets, afin de jouir de la richesse du sol et de la biodiversité naturelle de la foret, mais aussi de l'ombrage des grands arbres et de l'accumulation de brouillard qu'ils permettent et est particulièrement profitable aux arbres à thé.
De même que dans le passé l'équilibre naturel de l'environnement était respecté ont laissait aussi ses arbres se développement tel qu'ils en avaient besoin, au lieux de les sur-exploiter ou de les tailler de manière abusive comme on le voit de de plus en plus couramment aujourd'hui. Souvent oubliés pendant plusieurs centaines d'années, au cours desquelles les populations qui en sont à l'origine ont parfois disparues ou migrés, ces arbres ce sont souvent depuis enrichit du merveilleux cadre dans lesquels ils s'inscrivent et produisent désormais parmi les meilleurs thés qu'ils soient.
Bien malheureusement cependant bon nombre de ces jardins anciens ont disparus, remplacés par des cultures plus rentables ou ont étés totalement massacrés, notamment par la destruction des forets et de l'environnement dans lequel ils s'inscrivaient, la cultivation intensive de thé ou d'autres produits agricoles plus rentables entre les théiers anciens, ou encore l'usage abusif d'engrais, pesticides ou désherbants chimiques.
- 1.Arrachage de théiers en vus de cultures plus rentables à Nanuo
- 2.Culture alternée thé et maïs à Yong De, Lincang
- 4.Coupe des grands arbres et désherbage des sol à Bulang
On dénombre tout de même parmi les jardins restant, 199 espèces locales de théiers, dont 153 nées de propagation sexuée, que l'on regroupe généralement à travers le terme "théier à grande feuilles du Yunnan". Véritable héritage du passé, ce que les forets du Yunann renferment va pourtant bien au delà de variétés locales, nous renvois aux origines mêmes du thé et comme nous allons le voir sont probablement les déscendants les plus directs des premiers arbres à thé qui virent le jour.
Le Yunnan, à la recherche du creuset des premiers théier?
Il fait pratiquement l'unanimité dans la communauté scientifique que, avant d'avoir été progressivement introduit dans plus de 50 pays, le thé tirerait ses origines d'une zone comprise entre le nord-est de l'Inde, le sud de la Birmanie, le Tibet et les actuelles régions chinoises du Yunnan et du Sichuan. Les biologistes ont longtemps envisagés l'hypothèse d'une origine double, et d'un croisement, mais de récentes recherches plus poussées, notamment génétiques, confirment une origine unique au théier. Or différents points laissent à penser que les premiers théiers auraient vu le jour, il y'a quelques milliers d'annés de cela dans la région actuellement nommée Yunnan.
Sorti de l'ombre très récemment avec l'engouement pour le thé puerh, le Yunnan fut durant longtemps ignoré de l'histoire du thé, que ce soit au niveau Chinois ou international. Le Yunnan n'étant réellement incorporé en tant que province Chinoise qu'en 1274, la région est naturellement absente, comme nous l'avons évoqué précédemment, de tous les premiers écris dont Lu Yu est l'initiateur. Ce n'est que en 1795 que l'on commence en Chine à reconnaître la valeur des thés du Yunnan lorsque le thé de Yi Wu est élevé au niveau des plus grand thés chinois en étant décrété thé impérial, initiant ainsi la célèbre route du thé qui relie le village de Yi Wu à Beijing afin d'acheminer ces feuilles précieuses jusqu'à la citée interdite.
Selon certains écris historiques le Yunnan aurait cependant une histoire du thé depuis plus de 2000 ans. Plus encore on pense que les Pu, ancêtres des Bulang qui habitaient la région, auraient commencé à planter et à domestiquer le théier sauvage dès la dynastie Shang soit entre 1600 et 1050 avant JC, plus de 1500 ans avant le célèbre Classique du thé de Lu Yu. Différents chercheurs partirent ainsi dans le Yunnan à la recherche des origines du thé. Entre 1953 et 1991 on découvre ainsi au long de la rivière Lan Cang (Mékong) un certain nombre d'arbres millénaires. Le très connu "roi des théiers" de Nanuo, planté par l'homme il y'a environ 800 ans et souvent considéré, à tord comme nous le verrons plus tard, comme le plus ancien théier planté par la main de l'homme, mais aussi un arbre transitif d'un millier d'année à Bangwei (邦崴), tous deux situés dans la région de Lan Cang (瀾滄縣) à Pu'Er.
Plus ancien encore on trouva un arbre sauvage de 1700 ans à Bada, puis, à nouveau dans la région de Pu'Er un incroyable arbre sauvage de 2700 ans à Qianjia Zhai (千家寨) (région de Zhen Yuan (鎮沅縣)) dont le diamètre du tronc atteint 1,20 mètre . Mais la quête des premiers théiers ne s'arrête pas là, et nous emmènera à Lincang et plus précisément dans la région de Feng Qing ou un arbre plus étonnant encore nous attend et nous renvois il y'a plus de 3000 ans de celà...
Un arbres de 3200 ans qui dépasse la légende
Nous sommes à Lincang, dans le Xian de Feng Qing (鳳慶) qui abrite plus de 3700 hectares d'arbres sauvages et transitif, et plus précisément dans dans la sous région de Xiao Wan Zhen (小灣鎮). L'accès au groupement de village de Jin Xiu cun (錦繡村), puis au village de Xiang Zhu Qing (香竹箐), n'est pas toujours aisé loin de là. Par temps sec et si le chemin de terre qui permet l'accès au village n'est pas coupé cela prend quelques heures en moto. Il est cependant courant, notamment après chaque averse, que le chemin devienne un véritable champ de boue pratiquement impraticable.
- 1.Situation du Yunnan au sein de la Chine
- 2.Situation du Lincang au sein du Yunnan
- 3.Situation du Xian de Feng Qing au sein de Lincang
- 4.Carte détaillée des alentours de Xiao Wan Zhen
En effet bien que situé directement à l'est de la capitale de Feng Qing, une barre montagneuse dépassant 2600m sépare Jin Xiu Cun et Feng Qing. Le chemin le plus court lorsque la route le permet est de contourner la montagne par le sud-est, au niveau de la montagne Shen Miao (神庙山) où un col à 2400 mètre permet de passer sur l'autre flanc. Un autre chemin, magnifique mais bien plus long consiste à passer par le nord est jusqu'à apercevoir la vallée du fleuve Lan Cang (le Mékong), puis de longer le flanc de la montagne jusqu'à Xiang Zhu Qing, situé à 2200 mètres d'altitude.
- 1.Au petit matin sur le chemin de Xiang Zhu Qing
- 2.Le Mékong aux allentours de Xiao Wan Zhen
- 3.Arrivée au village de Xiang Zhu Qing
Ce dernier chemin, bien que difficile et éprouvant est de toute beauté, impose le respect et donne véritablement l'impression à qui l'emprunte qu'il pénètre dans un autre monde, un espace sacré dont l'accès se mérite. En passant d'un flan à l'autre, entre Lu Bao Zhai (芦宝寨) et Xiao Zhong Shan Li Zhai (小中山里寨) on découvre soudain en contrebas le majestueux Lan Cang. Plus connu en Français sous le nom de Mekong, dont le nom signifie "mère de tous les fleuves", ce fleuve mythique que l'on surnomme aussi au Viet Nam "fleuve des neuf dragons" prend sa source dans hauteur de l'Himalaya, avant de traverser successivement la Chine, le Laos, la Birmanie, le Cambodge et le Vietnam. Or c'est dans le lit de ce fleuve que l'on trouve les arbres à thé les plus anciens qu'ils soient.
La montagne sur le flan de laquelle le petit village de Xiang Zhu Qing est perché est particulièrement escarpée. Seulement quelques kilomètres à vol d'oiseaux séparent son sommet qui culmine à environ 2700m et le lit du fleuve Lan Cang 1700m plus bas. Proche du sommet, et entouré de foret l'atmosphère de Xiang Zhu Qing est particulièrement paisible. Le village baigné dans un silence presque parfait dégage une atmosphère d'harmonie et d'isolement.
A quelques minutes seulement du village se trouve un large jardin à thé écologique moderne. Planté en terrasse et taillés à hauteur d'homme, ce jardin peut au premier abord faire penser à une plantation moderne intensive. En observant les arbres de plus près on remarque cependant la qualité et le respect de la plantation: arbres touffus et vigoureux récoltés avec parcimonie, sol non désherbé, absence d'engrais, mais aussi une végétation environnante riche et variée, dans lequel on croise au passage des chèvres et quelques poules. Au total près de 120 hectares de jardins écologiques appartenant à 200 familles ont étés plantés en 2004 autour du village, avec le soutient du gouvernement.
- 1.Nouveaux jardins écologique de Xiang Zhu Qing
- 3.Sols non désherbés dans les nouveaux jardins de Xiang Zhu Qing
- 4.Jeune bourgeon fraîchement cueillis à Xiang Zhu Qing
Une allée puis un escalier de grosses pierres érodées grimpe la colline et sillonne entre les théiers, donnant au lieux quelque chose de solennel. En gravissant sous le soleil ces marches, elles semblent nous dirent que le lieux où elles nous mènent n'est pas une vulgaire prairie mais que l'on s'approche de quelque chose de grand, de sacré. Le chemin de pierre sillonne, tourne à plusieurs reprises entre les théiers. Petit à petit les jeunes arbres à thé se font rares, et laissent place à une végétation sauvage composée de grands arbres de différentes espèces au coeur desquels on croise tanto quelques théiers multi-centenaires.
Puis les dernières marches nous mènent à la prairie promise. En son centre un arbre à thé, immense et majestueux, nous domine. Face à lui on sent immédiatement sa puissance, quelque chose qui inspire la sagesse, la quiétude, qui semble distordre le temps et les réalités et relativise notre vision du monde. Soudain les quelques dizaines d'années passés sur cette terre nous semblent une poignée de seconde, quelque chose de futile et insignifiant comme une gesticulation d'inceste, face cet être végétal et paisible qui, depuis au moins 3200 ans, observe la montagne. L'envergure de l'arbre est impressionnante et impose une certaine distance pour pouvoir l'embrasser du regard. En s'approchant il se change en paysage, s'étend sur le champ de vision à en devenir effrayant tandis ce que. Au fur et à mesure que l'on s'approche de son tronc, le soleil disparaît laissant place à la pénombre. Particulièrement imposant son le diamètre de ce tronc s'approche de 2 mètres, pour une circonférence de plus de 5 mètres.
- 1.Sur le chemin du plus vieil arbre à thé au monde
- 3.Batons d'encens à proximité du plus vieil arbre à thé au monde
- 4.Le plus vieil arbre à thé au monde agé de 3200 ans
En laissant ainsi glisser ses yeux le long des branches de ce arbre fascinant c'est autant son passé que l'instant présent qui semble se refléter, le passé d'un être vivant né il y'a plus de 3000 ans d'une graine de théier. Mais peut on vraiment concevoir un être de 3200 ans, ou même le lieux où nous nous trouvons il y'a 3200 ans de celà? Peut on imaginer le monde aussi longtemps en arrière et les hommes qui se trouvaient il y'à plus de 3000 ans là où nous venons de poser un pied?
Différentes personnes ont étudié cet arbre unique. Selon les études il aurait ainsi entre 3200 ans (Professeur Wang Guang Xhi) et 3500 ans (Da Sen Zheng Si et Lin Zhi), plus de 1000 ans avant l'ouvrage culte de Lu Yu, devenant ainsi et de loin le plus vieil arbre à thé que nous connaissons. L'altitude à laquelle il se trouve varie aussi selon les sources entre 2100m et 2400m, mes propres mesure GPS renvoyant 2260m.
Mais ce n'est pas tout, et c'est arbre cache en lui quelque chose de plus étonnant encore. Déjà en soit, un arbre à thé de 3200 ans remonte plus de 1000 ans avant les premiers écris sur le sujet, raconte beaucoup de choses et dépasse ce que bon nombre de légendes sur l'origine du thé n'osaient avancer. Mais ce que cet arbre nous dit de plus bouleversant encore c'est qu'il n'est pas un théier sauvage mais bien un arbre de culture, planté donc par la main l'homme il y'a 3200 ans.
Si on trouve dans le Yunnan un certain nombre de théiers sauvages ou transitifs d'un millier d'années, les théiers de plantation les plus anciens ont généralement entre 800 et 1000 ans et sont particulièrement rares, et un tel théier planté par l'homme il y'a plus de 3000 ans est quelque chose d'unique, qui renvois les prémices de la culture du thé bien plus loin que nous le pensions auparavant. Plus que toute autre écris c'est donc une trace inestimable concernant les origines du thé et le rapport de l'homme à cette plante.
En découle que celà fait plus de 3000 ans que non seulement l'homme a découvert le thé, mais aussi qu'il a accompli le long chemin de la domestication de cette plante sauvage pour la cultiver et en apprécier les feuilles. Nous savons cependant que peu de choses sur ceux qui habitaient la région il y'a 3000 ans, et furent peut être les premiers humains à découvrir la saveur du thé. Ce qui est sur c'est qu'en marge de l'histoire officielle de la Chine, qui avec une histoire de près de 5000 ans est souvent citée comme étant la plus ancienne civilisation continue, et à coté de la culture du thé tel que cette Histoire la retenue et qu'elle apparaît dans les livres, il existait une culture bien plus ancienne autour des feuilles de thé. Et cette Histoire, qui remonte bien avant que l'empire de la Chine ne s'étende jusqu'au Yunnan, n'est pas à chercher dans les restes de la culture chinoise, mais plus dans la culture des ethnies qui depuis des milliers d'années habitent le Yunnan, ont découvert puis domestiqué les théiers sauvages et ont planté les premiers jardins à thé.
- 1.Femme bulang à Bulang Shan, Xishuangbanna
- 2.Femme Bulang à Shuangjiang, Lincang
- 4.Femme Wa à Shuangjiang, Lincang
- 5.Femme Wa et son enfant à Shuangjiang, Lincang
Parmi ces ethnies probablement à l'origine du thé il y aurait notamment les Pu, dont descendrait selon certains experts les ethnies actuelles Bulang, Wa et De'ang, et qu'on sait habiter l'actuel Yunnan il y'a plus de 2000 ans. On attribue notamment aux Bulang qui en descendrait parmi les plus anciens jardin à thé du Yunnan, tel qu'on peut en voir dans la montagne Bulang où de nombreux jardins ont étés plantés il y'a entre 500 à 1000 ans de celà.
D'autres enfin tentent de remonter plus loin l'origine du thé en allant jusqu'à l'aire tertiaire. Se basant sur un fossile découvert en 1978 à Mangxian dans la montagne de Jinggu à Pu'Er, que l'on estime avoir plus de 35 millions d'années et que l'on attribuerait à une forme de magnolia à grande feuilles, ainsi que sur la supposition que le théier descendrait du Magnolia à grande feuille, ils y voient la trace de l'origine du thé remontant plus de 35 millions d'années en arrière. Si ce fait a été largement repris et pris pour compte sans en vérifier les sources, notamment pour promouvoir la région de Jinggu soudain rebaptisé berceau du puerh, on peut cependant emmètre un certain nombre de réserve sur la filiation possible entre ce fossile et les théier d'aujourd'hui.
Aromes d'un autre temps
Goutter l'arôme des feuilles de cet arbre multi-millénaire de Feng Qing est bien sur le rêve de nombreux amateurs de thé. Cependant ce n'est pas un rêve donné à tous le monde, et rares sont ceux qui ont eux ce privilège. En 2007 six galettes de 499 grammes de cet arbre furent produites par Fengqing Cha Chang (appartenant au groupe Dianhong) et vendues aux enchère à Shenzhen durant la "International Cultural Industry Fair" avec un prix de réserve de 300000 RMB () par galette.
Le célèbre expert de thé Vesper Chan, à qui j'ai récemment consacré un article, aurait aussi pu accéder plus ou moins légalement aux feuilles de cet arbre et en aurait produit quelques galettes rarissimes entre 2002 et 2006, pour la plupart vendues aux enchères pour plusieurs centaines de milliers de RMB la galette (Voir article Vesper Chan, l'histoire d'un grand homme du thé chinois).
L'arbre, sous le contrôle du groupe Dianhong et dont la protection a couté 1800000 RMB () , n'est pas exploité hormis ces quelques rares galettes. Entouré d'un haut mur, l'accès à la zone est contrôlé, afin d'éviter le vol des feuilles ou d'éventuelles dégradations et rares sont ceux qui ont pu savourer l'arome de son thé.
Le doyen des arbres à thé n'est cependant pas le seul arbre très ancien à pousser sur l'exceptionnel terroir de Xiang Zhu Qing. Outre le grand jardin écologique récent évoqué précédemment on dénombre environ 500 arbres de plus de 1000 ans, produisant environ 5 tonnes de thé chaque printemps, et dont il est possible de se procurer les feuilles.
Si ces arbres n'ont pas l'incroyable envergure du doyen des théiers, cela reste des arbres exceptionnels faisant partie des théiers les plus anciens de la planète. Oubliés pendant une longue période leur tronc est particulièrement développé et ils atteignent ainsi plusieurs mètres de haut rendant leur récolte particulièrement difficile.
- 1.Cadre magnifique du terroir de Xiang Zhu Qing
- 2.Arbre millénaire du terroir de Xiang Zhu Qing
- 5.Arbre nouveau poussant sur le tronc d'un arbre millénaire de Xiang Zhu Qing
- 6.Li Yu Lu, producteur et chef du village de Xiang Zhu Qing
Le cadre dans lequel ils évoluent est lui d'une rare richesse. Perchés en dehors de toute pollution à une altitude comprise entre 2000m et 2300m, ils poussent dans la foret et les clairières entourant Xiang Zhu Qing, au sein d'un environnement totalement naturel, non exploité par l'agriculture, et jouissant d'une très grande biodiversité. Ces arbres assez espacés les uns des autres poussent dans différentes parcelles de foret appartenant à différentes familles du village.
Le chef du village Li Yu Lu (李玉祿), collectionne depuis quelques années ces précieuses feuilles, qu'il rachète aux différents familles qui possèdent les arbres et à partir desquels il produit différents thés d'exception. Parmi eux un puerh (Pu Er tea) issu exclusivement d'arbres millénaires dont j'ai goûté la production de 2011 pour vous.